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Philologie d'Orient et d'Occident
5 août 2014

L'empire du Japon (16) - Misogynie ou matriarcat ?

Philologie d'Orient et d'Occident (291) Le 05/08/2014     Tokyo  K.

 L'empire du Japon: son essor et ses limites (16)      

  Misogynie en Occident ou matriarcat en Orient ?

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Tympan de la Cathédrale St Pierre de Poitiers: photo par K.

   Poitiers (cf. billets 161, 217) est une ville particulièrement riche en monuments historiques, un peu comparable sinon à Kyoto au moins à Nara dans son importance architecturale. Les vieilles églises de Poitiers témoignent d'une intense christianisation de la région, comme les édifices de Nara font preuve d'une introduction rapide du bouddhisme.

   Derrière la grande Cathédrale St Pierre se cache la petite église Ste Radegonde. Sainte Radegonde, reine des Francs, était une des belles-filles de Clovis, premier roi chrétien mérovingien, vainqueur en 507 à Vouillé au nord-ouest de Poitiers contre les Wisigoths adhérents à une secte chrétienne, l'arianisme. Clovis fut contemporain de l'empereur Keitai (cf. billet 286), inaugurateur de la dynastie japonaise actuelle.

   St Hilaire, patron de l'Église St Hilaire le Grand, originaire de Poitiers, fut défenseur ardent du catholicisme. Son combat contre l'arianisme était déjà entamé au IVe siècle. Ce siècle est le moment où aurait été construit le baptistère St Jean, quoique la cuve baptismale elle-même y ait été ajoutée deux siècles plus tard, c'est-à-dire au VIe siècle, au moment où, au Japon, l'impératrice Suiko (cf. billets 287, 290) s'apprêtait avec le concours de son beau-fils et neveu Shôtoku-taishi (574-622) et, entre autres, de la famille Soga (cf. billet 287) à accélérer l'introduction du bouddhisme dans son empire. Le bouddhisme était une religion beaucoup moins combative que le christianisme.

   À Poitiers, j'étais logé dans une maison particulière, rue des Carmes. L'extrémité nord-ouest de la rue, descendant vers le baptistère St Jean (au sud-est), formait un triangle isocèle avec Notre Dame la Grande et la Cathédrale. Le soir je sortais souper au RU qui voisinait avec la Cathédrale et le baptistère. La Cathédrale était peu fréquentée, sauf lorsqu'on y donnait des concerts. L'église avait de superbes orgues à la sonorité claire et méridionale. J'aimais son portail rayonnant au soleil couchant et son intérieur sombre dominé par les grands instruments de musique.

   La photo de la Cathédrale que j'ai mise à la tête de cet article représente sa façade. Le tympan au-dessus du portail est constitué de trois étages évoquant la gloire du Christ: le supérieur est occupé par le Jésus-Christ triomphant, accompagné de ses saints. L'étage moyen est peuplé par les élus bienheureux ainsi que par les geôliers, aux deux bouts, entraînant même les seigneurs. Au jugement dernier, tous les hommes sont égaux devant Dieu, voilà la leçon de la sculpture.

   Ce qui me touche le plus dans ce tympan est le spectacle qu'offre l'étage le plus bas. C'est la représentation du sort réservé aux femmes selon les idées chrétiennes de l'époque. Elles sont entassées, nues et pêle-mêle, dans les barges, arche de Noé? Ou plutôt des vaisseaux rudimentaires pour atteindre l'Arche. Toutes les femmes semblent clamer, les mains en l'air, leur désolation. Ce sont les dernières sauvées ou les damnées.

   Dans l'Occident médiéval, les femmes étaient-elles des créatures condamnées d'avance? J'ai vu autrefois la même image dans les femmes-serpents mises en relief au portail de l'église de Moissac. Dans l'ancienne chrétienté occidentale, la puissance du féminisme actuel est-elle leur contrepartie?

    À la fin du VIe siècle, l'impératrice Suiko se fit prier trois fois avant de monter sur le trône impérial (cf. billet 290). Cela signifie, sinon que le rituel était tout simplement importé de Chine, que son accès au trône ne s'était pas fait conformément à la loi de succession impériale (qui, d'ailleurs, n'existait pas encore) et que son élection pouvait avoir résulté du concours des grandes familles favorables au bouddhisme.

   Ce processus d'élection d'un souverain confine au sacrement du roi des Francs, Hugues Capet, soutenu par les Grands, célébré à la fin du Xe siècle, par Adalbéron de Reims comme Gerbert d'Aurillac, représentants de l'Église.

   Ce qui distingue le Japon de la France, c'était la position des femmes. Amaterasu (cf. billet 248), divinité mythique du Soleil, supposée à l'origine de la dynastie impériale nipponne, était en effet une déesse. Dans l'antiquité, le pouvoir impérial fut longtemps féminin. (À suivre).

 

 

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