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Philologie d'Orient et d'Occident
1 juillet 2014

L'empire du Japon (11) - Du mythe aux réalités

Philologie d'Orient et d'Occident (286) Le 01/07/2014 Tokyo  K.

L'empire du Japon: son essor et ses limites (11)

Du mythe aux réalités

001059

Radis par Misao Wada

   L'originalité de la thèse de Muzuno Yû (cf. billet 283) sur la formation de l'empire du Japon antique consiste à avoir dégagé deux dynasties de caractère un peu différent et conçu l'idée de la troisième dynastie, originaire d'Echizen (dépt. actuel de Fukui), dont l'initiateur, Wohodo-no-mikoto dans le Koji-ki et le Nihon-shoki, fut appelé postérieurement l'empereur Keitai 継体 (450 ? - 531).

   C'est surtout par l'analyse de la dernière dynastie, inaugurée dès le début du VIe siècle et bien distincte des antérieures, que la continuité fut décisivement mise en doute entre les empereurs antiques et les souverains modernes dont l'existence et l'authenticité étaient historiquement attestées. Le système moderne de l'empire date de la transition qui se serait produite au VIe siècle.

   La nébuleuse, politique ainsi que sociale, voilant le moment du changement décisif de dynasties nipponnes rappelle dans son essence une obscurité de même nature, tombée sur la dynastie des Mérovingiens qui aurait duré trois siècles, du milieu du Ve siècle au milieu du VIIIe siècle. L'empereur Keitai fut contemporain de Clovis Ier (465 ?-511) qui fit d'un patelin des Francs un royaume religieux des Mérovingiens. Keitai fut pour le 16e empereur nippon 仁徳 Nintoku (Ve siècle, cf. billet 274) ce que Clovis Ier fut pour le légendaire roi Mérovée (Ve siècle).

   26e souverain à compter du mythique Jimmu, Keitai fut en réalité le premier empereur de la troisième dynastie, ce qui fait que l'empereur actuel doit être non pas le cent-vingt-cinquième mais le centième souverain du nouvel empire, quoique l'Histoire scolaire semble hésiter à situer définitivement Keitai dans cette position.

   Sans plus détailler la troisième dynastie, on va examiner un peu la seconde dynastie, dite «conquérante» selon la terminologie Mizuno, dans son Nihon kodai-ôtyô-shiron josetsu «Prolégomènes aux études des dynasties archaïques nipponnes» (1952, Tokyo, Komiyama-shoten, 1968, 3e édition). Selon l'historien, la dynastie conquérante a été commencée par l'empereur Nintoku. Dans son livre (ibid. p. 13-18), Mizuno postule trois dynasties (antique, moyenne et nouvelle) subdivisées en cinq périodes qu'on peut récapituler de la façon suivante:

1)  dynastie antique (magico-religieuse)

     -  pré-dynastie  (vers 200 - 290 A. D.)

     -  dynastie Sujin (vers 290 -362 A. D. fondateur: l'empereur Sujin [cf. billet 136])

2)  dynastie intermédiaire (conquérante)

     -  dynastie Nintoku (363 - 489 A. D. fondateur: l'empereur Nintoku)

     -  dynastie post-Nintoku (490 - 499 A. D.)

3)  néo-dynastie (unifiée) (à partir de 500 A. D. - du règne Keitai jusqu'à présent)

   La dynastie «magico-religieuse», quoiqu'on puisse y déceler quelques réalités à travers des vestiges archéologiques ou documentaires, présente dans l'ensemble un état nébuleux tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'empire. L'historien Mizuno exploita, pour la démonstration de sa thèse sur la dynastie conquérante, du hautement fictif 仲哀 Tyûai (14e empereur, le dernier de la dynastie Sujin), qui aurait été tué dans un combat contre les rebelles du sud.

   Selon une version du Nihon-shoki (Iwanami-bunko, 1994, vol. 2, p. 132), Tyûai aurait été frappé en 362 d'une flèche ennemie, mais on ne sait pas exactement où il est tombé. Situant le combat dans le Kyûshû à une époque bien postérieure au règne de Himiko (IIIe siècle), Mizuno présume que l'empereur Tyûai engageait les hostilités contre un royaume toungouse de Kyûshû qui venait de triompher du royaume Yamataï qui avait eu jadis Himiko comme reine. Il y avait alors dans le Kyûshû plusieurs puissances dont l'une, qui en sortit victorieuse, réussit à défaire l'expédition impériale en provenance du centre (c'est-à-dire, des environs de Nara).

   L'impératrice 神功 Jingû, épouse de Tyûai, aurait assuré la succession impériale à son fils, le futur 15e empereur 応神 Ôjin (cf. billet 272), père de Nintoku. Mais l'authenticité de Jingû et d'Ôjin s'étant révélée douteuse, l'attribut impérial de Nintoku s'en trouva contesté. Selon l'historien, Nintoku n'était pas fils d'Ôjin mais un homme fort du royaume de Kyûshû dont l'armée, aguerrie aux combats, avait anéanti les hommes de Tyûai. La lignée impériale était donc interrompue au cours du IVe siècle. (À suivre)

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