Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Philologie d'Orient et d'Occident
29 juillet 2014

L'empire du Japon (15) - Crise de la succession

Philologie d'Orient et d'Occident (290)  Le 29/07/2014  Tokyo  K.  

L'empire du Japon: son essor et ses limites (15)       

 Crise de la succession impériale

001023

Coquelicots en assiette par Misao Wada

 

   L'empire du Japon est gouverné par une dynastie d'empereurs qui règne et régnera sans interruption dans l'éternité. (http://mjp.univ-perp.fr/constit/jp1889.htm).

    Ainsi est présenté l'article 1 du chapitre premier de l'ancienne constitution du Japon Impérial dont les textes ont été promulgués en 1889.

    Pour la succession impériale, l'article 2 du même chapitre stipule que: le trône impérial se transmet aux descendants mâles de l'empereur, conformément aux dispositions de la loi de la maison impériale. (ibid.)

   L'«empire» (< imperium) dénote l'idée de «pouvoir, autorité, ordre, commandement, puissance» qui vient nécessairement du verbe latin imperô «exercer du pouvoir, commander, ordonner, gouverner». L'empire est ainsi conçu, alors que le mot japonais teikoku 帝国 ne donne pas toujours la même image, car, teikoku, d'origine chinoise, se rend en ancien japonais par mikado 帝 (littéralement «porte du palais impérial», employé pour désigner le résident: «l'empereur») no (particule de génitif) kuni 国 «pays», ou sumera-no kuni: pays de sumera. Mikado et sumera figurent dans le Man'yô-shû.

   Or l'étymologie du mot sumera n'est toujours pas bien claire (cf. billet 285). Sans être équivalent parfait de l'empire, teikoku signifie, pour les Japonais, un pays gouverné par le sumera qui se distingue de l'idée «empereur» (< imperator «chef militaire») incarnée dans notre histoire par deux empereurs: Nintoku (cf. billet 286) et Tenmu.

   Dans la nouvelle constitution de 1946 établie après la guerre du Pacifique, les anciens articles 1 et 2 du chapitre premier ont complètement changé d'aspect.

   1) L'Empereur est le symbole de l'État et de l'unité du peuple; il doit ses fonctions à la volonté du peuple, en qui réside le pouvoir souverain.

   2) Le trône impérial est héréditaire et la succession se fait conformément à la loi adoptée par la Diète. (http://mjp.univ-perp.fr/constit/jp1889.htm)

   La fidélité des japonais à l'«empire» ou aux «empereurs» est surprenante. D'où vient cette obsession impériale? Dans cet empire, «mourir pour l'empereur» était une formule qui équivalait à «mourir pour le pays». Tous les nouveaux conscrits, partant en guerre, avaient inculqué les mots dans l'esprit voilà seulement 70 ans.

   Les juristes et hauts fonctionnaires Américains, venus au Japon lors de l'occupation, étaient fermement décidés à faire abandonner au peuple japonais l'impérialisme invétéré et le remplacer par une nouvelle «constitution» conforme aux modes de leur pays (qui n'a que trois cents ans d'histoire, opprimant les indigènes d'Amérique tout comme les Japonais opprimèrent les Aïnou pendant plusieurs milliers d'années). Mais ils ont vite renoncé, avisés de leur erreur, à leur projet de transformer totalement le régime politique japonais.

   Réalisant l'attachement du peuple à l'empereur, ils ont eu une idée d'y céder pour en profiter finalement. Résultat: dans la nouvelle constitution, le statut d'empereur, quoique diamétralement opposé, se retrouve à la même place, c'est-à-dire, au début du texte de la constitution.

    À la fin du VIe siècle, lorsque une princesse, future impératrice Suiko (cf. billet 287), se faisait prier trois fois, selon la tradition chinoise, avant d'accepter le trône impérial (cf. Nihon-shoki, Tokyo, Iwanami-bunko, 1995, vol. 4, p. 82) pour 36 ans (37 ans selon une version - cf. Koji-ki, Iwanami-bunko, 1963, p. 209), le statut d'empereur n'était ni en exclusivité masculine ni de succession de père en fils ni de primogéniture. Trois empereurs qui se sont interposés entre l'impératrice Suiko et son père Kinmei, 29e empereur, étaient tous ses frères, deux consanguins et un germain.

   L'idée de la succession de primogéniture masculine n'aurait été ébauchée qu'à partir de l'empereur Tenmu, vainqueur éprouvé du plus grand conflit qui ait jamais existé dans la famille impériale: Jinshin-no Ran (cf. billet 287). Les deux manifestations les plus anciennes en langue japonaise Koji-ki et Nihon-shoki sont issues, la première, des élucubrations pour dessiner le contour historico-politique de l'empire à travers des légendes mythiques, la seconde, d'un long cheminement vers la primogéniture masculine. Le Koji-ki prend fin avec le règne de Suiko, la première impératrice, le Nihon-shoki se termine avec l'impératrice Jitô, fille de l'empereur Tenchi (cf. billet 288) et femme de son oncle Tenmu. (À suivre)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Philologie d'Orient et d'Occident
Publicité
Archives
Publicité