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Philologie d'Orient et d'Occident
28 décembre 2020

Occitanie et Gascogne (2)

Philologie d'Orient et d'Occident (464) le 28/12, 20 Tokyo K.

Le Sud-Ouest de la France (2) Occitanie et Gascogne

La Gascogne linguistique et onomastique (2)

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Un camélia en éclosion à Tokyo, Shibuya (photo: Kyoko K.)

 

(Suite au billet 463)

   Adara, escotem parlar lo petit Pau e Joan lo son ainat qui abitualament, tribalha dab lo son pair. Que’vs èi dit que son agricultors, Joan e lo son pair. Que’vs èi dit à bèth còps, qu’arriba que passan beras nueits dens la bòrda, petit bastiment on non i a qu’un gran lhèit tà dromir e ua petite taula tà minjar. Las bòrda que’s tròban soent dens las montanhas, còsta un arriu. Qu’ei aquiu que’s vien cocar sustot en estiu, los pastors o los vinhèrs.

   Pau – Mon hrair Joan, quin passas la nueit dens la montanha ? Non te sentes pas triste ? N’i a pas nat lop ?

   Joan – Non, mon petit Pau. Non i a pas cap de lop. Bèth temps a que lo lop a desparescut dens las montanhas nòstas. E t’inquietavas pr’amor qu’èra sol, jo ? Que sabes que soi dab lo ton papà. Non soi pas jamès triste medish quan seri tot sol.

   Pau – Qué minjas lo ser, Joan ?

   Joan – Que mingi tot çò qu’i a dens la bòrda. Qu’i a provisions : bon vin, legums secs, quauques tròçs de carn salada, cambajon e hormatge. Que vedes, bonas causas ne mancan pas. E mei, que minji pan deu hèit en casa. Que sabi cosinar autan plan coma la mamà.

   Maintenant, écoutons parler le petit Paul et Jean son aîné qui, habituellement, travaille avec son père. Je vous ai dit qu’ils sont agriculteurs, Jean et son père. Parfois il arrive qu’ils passent quelques nuits dans la « borda », petit bâtiment où il n’y qu’un grand lit pour dormir et une petite table pour manger. Les « bordas » se trouvent souvent dans les montagnes, près d’un ruisseau. C’est là que viennent se coucher, surtout en été, les bergers ou les vignerons.

   Paul – Mon frère Jean, comment passes-tu la nuit dans la montagne ? Tu ne te sens pas triste ? Il n’y a pas de loup ?

   Jean – Non, mon petit Paul. Il n’y a pas de loup.  Il y a longtemps que le loup a disparu dans nos montagnes. Tu t’inquiétais parce que j’étais seul, moi ? Tu sais que je suis avec ton papa. Je ne suis jamais triste, même quand je suis tout seul.

   Paul – Qu’est-ce que tu manges le soir, Jean ?

   Jean – Je mange tout ce qu’il y a dans la « borda ». Il y a des provisions : du bon vin, des légumes secs, quelques morceaux de la viande salée, du jambon et fromage. Tu vois ? De bonnes choses ne manquent pas. Et en plus, je mange du pain cuit à la maison. Je sais cuisiner aussi bien que notre maman.

   Lors de mon séjour, de l’année 1966 à 1968, au Centre Médiéval à Poitiers, la lecture de Proust me passionnait (À la Recherche du temps perdu, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, nouvelle édition 1988), je l’ai lu dans l’ancienne édition, publiée en 1954.  Je partageais alors la passion onomastique du romancier, qui culmine surtout dans Sodome et Gomorrhe

   Dans un curieux ouvrage de la maison d’éditions Nizet : Proust – Âme profonde et naissance d’une esthétique (André Vial, 1971, p. 83), on peut lire ce commentaire assez étonnant mais sans doute convaincant puisque le romancier est d’une vieille famille dont la classe, même riche, n'était pas ouverte aux fonctions publiques : Celui qui devait donner aux lettres françaises une de leurs œuvres les plus puissantes, craint de ne pas être, dans son germe, dans le germe de son germe, Français. Proust, se sentant étranger à l’égard des Français, tant aristocrates que paysans, aurait été attiré par le Sud-Ouest de la France - plusieurs servantes de la famille du Narrateur en étant originaires.

   Or dans l’ancienne édition, t. III, p. 34 au début de la Prisonnière (la nouvelle édition, t. III, p. 544), on lit ce passage pittoresque concernant la langue gasconne : J’avais appris de la deuxième (il s’agit de Françoise, servante unique de la famille), dès l’âge de cinq ans, qu’on ne dit pas le Tarn, mais le Tar, pas le Béarn mais le Béar. Ce qui fit qu’à vingt ans, quand j’allai dans le monde, je n’eus pas à y apprendre qu’il ne fallait pas dire, comme faisait Mme Bontemps (tante d’Albertine Simonet, une des Héroïnes du roman) : Madame de Béarn.

   Ces deux noms de lieu (le Tarn se jette dans la Garonne ; la capitale du Béarn est Pau) se trouvent au cœur même de la Gascogne. (À suivre)

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