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Philologie d'Orient et d'Occident
22 mai 2018

Deux mystiques de la langue (4)

Philologie d'Orient et d'Occident (403) Le 22/05/2018 Tokyo K.

Deux mystiques de la langue:

Ôno Susumu et Nishiwaki Junzaburô (4)

CIMG2447

Note plurilingue de Nishiwaki Junzaburô (4) (Meijigakuïn, Tokyo)

   La dernière édition de l'Origine de la langue japonaise (Ôno Susumu, Nihongo-no Kigen, 1994, cf. billet 400) était assortie d'exposés et de contributions à des débats divers dont Ôno était l'auteur, et notamment, à court terme, du Prototype du japonais (Nihongo Izen, Tokyo, Iwanami, 1987). Ce dernier livre comporte une  nomenclature bilingue (japonais-tamoul) substantielle.

   Pour rapprocher la syntaxe du japonais et du tamoul, Ôno se contente d'énumérer les 12 caractéristiques suivantes, jugées communes aux deux langues, avec seulement deux ou trois lignes d'illustration pour chacune:

   1. absence de déclinaison casuelle; 2. ordre des mots en sujet-complément; 3. adjectif avant le substantif; 4. adverbe avant le verbe, l'adjectif etc.; 5. verbe postposé (après le complément); 6. absence de pronom relatif; 7. auxiliaire verbal postposé (après le verbe); 8. l'ordre d'auxiliaires identique à celui du japonais; 9. particules postposées (après le substantif / le verbe); 10. interrogation marquée par une particule placée à la fin de la phrase; 11. quatre catégories de pronoms (proche, moyen, éloigné, indéfini); 12. absence de conjugaison verbale.

    L'ordre des mots ici en question (2, 3, 4, 5, 7, 8, 9) est loin d'être un élément distinctif des langues. Ni la flexion (déclinaison; conjugaison: 1, 12) ni le système du pronom relatif (6) ne sont présents dès l'origine, même en indo-européen, mais ils se sont développés tardivement. Le système pronominal ici signalé (11) n'a rien de spécifique. L'interrogation par une particule mise à la fin de la phrase (10) n'est pas propre à ces deux langues.

   Ces repères de différents registres ne suffiraient pas à déterminer l'existence d'une filiation entre les deux langues. Le poète helléniste Nishiwaki ne s'est pas intéressé à l'hypothèse Ôno.

   Ôno passe vite à la comparaison des particules (casuelles et autres, op.cit. 249-289) des deux langues très éloignées l'une de l'autre, dans le temps et dans l'espace: le japonais du VIIIe siècle en face d'une langue dravidienne utilisée au cours des quatre siècles à partir du second siècle avant notre ère. Mais après tout, est-il possible d'emprunter, au début de la langue japonaise, tant de particules à fonction grammaticale à une langue du continent indien ?

   Ôno Susumu relie la particule casuelle en japonais -no (génitif / nominatif) avec le tamoul in, la particule -ga (également génitif / nominatif) avec le tamoul aka, akam (op.cit. p. 249), ce qui signifierait qu'il présume que les -ga, -no sont des particules, toutes les deux, d'origines différentes.

   Konoshima Masatoshi, le meilleur spécialiste des particules japonaises, dit des deux particules: «les emplois des deux particules (génitif / nominatif) se ressemblent, surtout en ancien japonais, de sorte qu'il constitue, dès lors, un bon sujet de travail pour les chercheurs d'en discerner les nuances ... » (Étude des particules japonaises, éd. augmentée, Tokyo, Ôhû-sha 1973, p. 32. tr. K.).

   K., auteur de ce billet, a supposé que l'ancienne particule japonaise -ga n'était pas seulement gutturale mais aussi nasale: -nga (< -ṅa) (cf. billet 402; Arisaka Hideyo, Étude de l'histoire de la phonologie japonaise, Tokyo, Sanseidô 1957, p 677). C'est cette nasale gutturale qui avait donné deux formes: -na /-no, -nu (en alternance vocalique) et -ga. La similitude sémantique entre -no et -ga, naturelle et génétique, ne permettrait pas de présumer deux provenances différentes, et a fortiori l'emprunt à une langue étrangère!

   Une autre anomalie de taille dans la thèse Ôno, à propos d'une particule casuelle signifiant origine, point de départ, cause: -kara "de, depuis, à partir de, en provenance de, à cause de". Ôno fait venir -kara d'un substantif mandchou ou mongol: kala, xala "tribu, famille" (Kogo-jiten "Dictionnaire d'ancien japonais", Iwanami, édition corrigée, 1990). Comment peut-on alors se rendre compte, avec le sens "tribu, famille", des expressions dialectales telles: hama-kara attʃumu "marcher sur la plage" (Ryûkyû), kôen-kara asobu "jouer dans le parc" (Tottori), hune-kara iku "aller en bateau" (Nagasaki), et comment des formes dialectales telles: kari (Bungo), karu (hude-karu kaku "dessiner avec un pinceau"- Île Iki) s'expliquent-elles par xala "tribu ou famille"?

   La particule -kara n'est-elle pas composée de deux particules -ka (locatif-instrumental "là" en alternance vocalique avec -ko "-ci", cf. ka-re "cela, celui-là"; ko-re "ceci") et -ra emphatique (o-ra "moi", ore-ra "nous"), en alternance vocalique avec -koro "vers, dans les environs de" ?

   Nishiwaki, poète provincial, en se passant de toutes ces discussions, se consacrait tranquillement à la comparaison du chinois avec le grec ancien. (À suivre)

 

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