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Philologie d'Orient et d'Occident
25 février 2020

Ἔκφρασις 2(5)

Philologie d'Orient et d'Occident (449) le 25 /02, 20 Tokyo K.        

κφρασις 2(5)  -  Scansion homérique : allongement et contraction des voyelles

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Mimosa en pleine fleur chez J. P. Levet, Limoges (photo Jean-Pierre Levet, le 12/02)

 

    Les laryngales selon la théorie développée en Europe au début du XXe siècle, sont des phonèmes aspirés regroupant normalement trois entités glottales ou vocaliques (g, v, w, h, etc) représentés  en trois signes H1, H2, H3. Le signe H1 figure usuellement une laryngale à coloration en e : eHe (antévocalique), ē < eH (postvocalique), H2 à coloration en a, (a < H2e, antévocalique, ā < eH2 postvocalique); H3 à coloration en o (o < H3o, antévocalique; ō < eH3  postvocalique). Cette théorie apparemment inutile est née de l'imagination du linguiste suisse Ferdinand de Saussure (1857-1913) pour qui toute voyelle indo-européenne était précédée par une consonne et toute voyelle brève et longue était issue d'une voyelle brève e précédée (antévocalique) ou suivie d'une laryngale (postvocalique).

   Après la mort de Saussure, son hypothèse a été consolidée par ses disciples, et au milieu du siècle dernier s'est établie en une théorie linguistique majeure. C'est un bon outil scientifique pour la recherche linguistique historique. Aucun linguiste ne peut maintenant l'ignorer. Or, Alexis Pierron (1814-1878) dont notre séminaire homérique s'honore depuis 1983 d'utiliser les deux éditions de travail (de 1869, et de 1884), ne devait savoir à quoi travaillait alors le jeune Saussure. Le poète helléniste Nishiwaki Junzaburô (1894-1982), non plus, car il avait étudié à Oxford et n'en aurait jamais touché à la théorie. Toute discussion actuelle concernant la prosodie, recourt, comme le mentionne en détail le message suivant, à ce petit phonème jamais écrit mais actualisé ou non dans les textes, appelé digamma (F) dont le sens était tout sobre avant la thorie de Saussure.

    Ce message offre une solution à notre problème de scansion du vers 270 (troisième pied) de l'Iliade, chant XIX, s'agissait-il d'un spondée, comme nous le supposions lors de notre séance du dernier séminaire homérique (le 8 février), ou d'un dactyle, hypothèse ultérieure de l'auteur de ce blog (cf. billet 448).

  a) Ζεῦ πάτερ/ ἦ μεγά/λας ἄ (spondée)/τας ἄν (spondée)/δρεσσι δι (dactyle) /δοῖσθα·

*b) Ζεῦ πάτερ/ ἦ μεγά/λας ἄτας (dactyle) / ἄνδρεσ (spondée)/σι διδο(dactyle) /ῖσθα·

   (Le 13 / 02, De Jean-Pierre Levet à Yasuo Ikuta): C’est avec grand plaisir que j’ai lu votre mail. La réponse que j’ai donnée à M. Kudo pour le vers XIX 270 était trop rapide. J’ai d’abord indiqué clairement que ν/δρεσσι ne pouvait pas avoir de digamma initial et que c’était donc la seconde présentation (sans digamma) qui était la bonne. En ajoutant que les deux alphas de τας étaient longs, j’aurais dû ajouter et préciser que cela impliquait l’existence de deux spondées λας (long)/τας (long)ν/ suivis d’un dactyle δρεσσι δι. Les deux alphas de l’accusatif féminin pluriel sont longs parce qu’ils proviennent d’une finale *-ans avec a long dont l’évolution a été la suivante : abrègement de la voyelle longue par application de la loi d’Osthoff, puis disparition de la nasale de la séquence -*ns finale avec allongement compensatoire récent de la voyelle précédente. Le caractère récent de cet allongement compensatoire explique pourquoi cet alpha n’est pas passé à êta en ionien-attique. Le premier alpha de τας a pour origine le traitement d’une séquence *awa avec deux alpha brefs(après la disparition du digamma intervocalique ces deux voyelles de même timbre se sont contractées en une longue récente qui s’est maintenue). En fait τας peut cacher un plus ancien *awa- avec deux alphas brefs et un digamma intervocalique. On aurait alors un troisième pied qui serait un dactyle. Les trois coupes, penthémimère (principale), trihémimère et hephthémimère (secondaires) mettent en relief μεγάλας et τας.

   Le grec dit communément ancien n'est pas une langue unique mais cache derrière cette dénomination plusieurs langues chronologiquement différentes ou des dialectes de diverses origines géographiques. Le texte établi avant le XXe siècle ne peut refléter, même s'il est basé sur bien des éditions antérieures, que la moitié, même moins, de ce qu'était nommé globalement le grec ancien. Il était d'ailleurs longtemps oral avant d'être transcrit en écriture alphabétique. La prosodie ne peut quasiment refléter ce qu'on appelle le plus ancien grec qui est le mycénien, où est transcrit en linéaire: a-ki-re-u pour Ἀχιλλεύς ou Ἀχιλεύς; e-co-to pour Ἥεκτωρ"; ti-ri-po pour τρίπους "trépied"; a-ne-mo pour ἄνεμος "vent"; a2-te-ro pour ἕτερος "autre" ou ἑτέρως "autrement"(Selon Documents in Mycenaean Greek, Cambridge Univ. 1950). La prosodie moderne ne peut codifier rien de convainquant de cette écriture. Dans le grec en oral, il y aurait eu plusieurs stades de cette sorte. Il y aurait autant en grec en écriture. L'écriture aurait pu être [ho] "bref ou long". Le message de Jean-Pierre Levet rend bien compte de ce qu'était la diversité de manière de scander le grec ancien.  (À suivre).

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