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Philologie d'Orient et d'Occident
17 janvier 2012

Le kana et le Dit de Genji de Murasaki Shikibu

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Philologie d'Orient et d'Occident (160)

                                            Le 17/01/2012,  Tokyo     k.

  Le kana et le Dit de Genji de Murasaki Shikibu

 

      Au début de janvier, parmi quelques courriels des vœux de l'année 2012 de l'étranger, il y en avait un d'Italie, d'une amie historienne de l'université de Naples (cf. billet 68). Ses vœux étaient suivis de ces mots :

      Aujourd'hui, j'ai pris le temps (voilà à quoi servent les vacances, formidable!) de naviguer dans ton blog et toutes ces informations sur l'écriture et l'histoire m'ont passionnée. Tous mes compliments! - J'ai lu il y a trois ans environ (en italien) le Dit de Gengi et j'ai beaucoup aimé. C'est impressionnant de pouvoir ressentir les sentiments d'une auteure si éloignée dans le temps. En outre, à cette époque il n'y a rien eu de tel dans la littérature occidentale. Tiens ! ton blog m'a donné envie de le relire.

      Une série de petites réflexions dont je me suis occupé à bâtons rompus depuis le billet 145 portait sur ce que pouvait signifier le passage de l'écriture kanji au kana.  Les premiers trois documents japonais : Koji-ki, Nihon-shoki et Man'yô-shû, étaient tous rédigés en kanji. L'écriture syllabique kana n'existait pas encore.

      Le Koji-ki (cf. billet 135) est un amas de récits mythiques concernant la genèse de l'empire et la généalogie de la famille impériale. Selon la préface de l'ouvrage, le Tenmu (cf. billet 138) avait édicté la compilation du document. L'auteur du Koji-ki Ôno-Yasumaro (cf. billet 138) aurait peiné à adapter le kanji pour reproduire les formes de la langue de l'époque plus fidèlement que les idées. Il était soucieux de rendre ce qui s'exprimait plutôt que ce qui se concevait, la parole plutôt que les idées.

      Le Nihon-shoki, première Chronique de l'empire (cf. billet 124), succéda au Koji-ki, première manifestation du japonais en kanji. Cette Chronique portait à peu près sur le même espace du temps que le Koji-ki, du premier empereur au règne de l'Impératrice Jitô, fille de Tenmu. L'ouvrage, plus volumineux que le Koji-ki, est moins fantaisiste, moins littéraire mais plus historique voire réaliste. Le style en chinois classique convenait au livre d'Histoire dont la compréhension devait tenir plus à la réalité qu'à l'imagination.

      Le kanji employé pour le commentaire accompagnant les waka du recueil poétique Man'yô-shû, héritait d'une des deux possibilités du chinois, celle de rendre les idées, alors que les waka eux-mêmes voulaient être compris non pas comme idées mais en mots japonais, en parole. L'épithète du mot azuma 東 « Est », tori-ga-naku, « au chant du coq » (cf. billet 126), pouvait s'exprimer alors en deux manières de kanji : 鶏鳴 (en deux idées : coq et chant) ou 等里我奈久 (en 5 kanji phoniques). C'était Kakinomoto-no Hitomaro (cf. billet 156) qui était, entre autres, le maître habile de ces procédés.

      L'écriture syllabique 等里我奈久 (to-ri-ga-na-ku) a mis en évidence la particule casuelle -ga (我) qui n'existait pas dans l'expression chinoise 鶏鳴 qui se lisait originellement en japonais kake-naku (kei-mei à la chinoise) tout simplement, sans particule casuelle -ga. Si l'on voulait ajouter à la lecture la particule -ga, il fallait un indice pertinent éventuellement rendu par 我 (ou 乃). C'est ainsi qu'on voyait naître un besoin urgent de représenter syllabiquement la langue japonaise, car il valait mieux, pour bien communiquer, la fournir en particules qui faisaient généralement défaut en chinois.

     La transformation de kanji en kana aida à accentuer par écrit les particules, si nécessaires pour rendre les finesses de la langue. Il est pourtant difficile de savoir si l'évolution de l'esprit littéraire fut la cause de la création du kana ou si elle en fut le résultat. De toute façon, on vit foisonner, à l'époque, dames de cour écrivains, toutes expertes en l'art de kana, dont la merveille fut Murasaki Shikibu.

      Mon amie ajoute : J'ai bien peur de comprendre mieux le roman de Murasaki que celui de Murakami Haruki (1Q84). Mais bien sûr, mon amie ! (À suivre)

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