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Philologie d'Orient et d'Occident
29 octobre 2022

Le cercle de lecture homérique:deux piliers

Philologie d'Orient et d'Occident (503) : le 29/10, 2022, S. Kudo

Un cercle de lecture homérique à Tokyo : deux piliers

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Le château de Inuyama au soleil couchant (photo, Yoshiko I. le 25 septembre, 2022)

   Nishiwaki Junzaburô (1894 -1982, du billet 47 au 66), professeur à la Faculté des Lettres de l’université de Kéiô, Tokyo, poète neuf fois nommé candidat au prix littéraire de Nobel de 1958 à 1967, changea de lieu de travail, en quittant sa Faculté pour une autre université Meiji-Gakuïn (Lettres et Langues), Tokyo, qui se trouve dans le voisinage du domicile du poète.

  Depuis, il s’occupa d’un cours à l’institut Gengo-Bunka de Meiji-Gakuïn jusqu’à sa mort survenue dans sa ville natale à Niïgata, au début de l’année 1982.

  Nishiwaki était un génie de langues, il connaissait le latin et le grec avant qu’il fût étudiant à Kéiô, et, comme tous les intellectuels de l’époque, il s’y connaissait en chinois classique. Son cours à l’institut (organisé plutôt pour les professeurs que pour les étudiants), était en réalité une causerie plus ou moins mystérieuse sur la comparaison phonétique du grec et du chinois classique. Son idée de comparer les deux langues, poétique et non conforme à la norme courante selon la linguistique générale, suscitaient des critiques chez de nombreux érudits dans d’autres établissements.

  Il n'en soucia guère qu’il savait bien dominer. Son grand prestige, acquis par son voyage d’études à Oxford, rare à l’époque, et surtout sa renommée établie, de retour dans le pays, par la publication du premier recueil poétique Ambarvalia furent immenses. On savait qu’il conservait, entassées au premier étage de sa maison, une énorme liasse de notes préparées pour sa « causerie » énigmatique. Ses disciples à Meiji-Gakuïn en firent plusieurs livres reliés de copies de plus de 30.000 feuilles de notes manuscrites - qu'ls dédièrent, de son vivant, à leur maître.

 Notre cercle de lecture homérique commença en 1983 en avril, juste après l’année de décès du poète. Mitsuta Ikuo, professeur de la littérature japonaise, en fut l’initiateur, l’auteur du présent article, K, étant l’un des premiers participants au cercle. En 2023, au mois de mars, le groupe aura continué durant 40 ans. Ces quatre décennies nous auront déjà permis de faire deux fois le tour des deux œuvres d’Homère : Iliade et Odyssée, qui nous fournirent d’abondants matériaux à notre blog Orient et Occident qui a atteint en mai son 500e numéro.

  Les œuvres longtemps orales d’Homère auraient été notées à l'écrit pour la première fois vers le VIIe siècle avant J.-Ch, au temps du tyran Pisistrate. Les aèdes homériques, même entourés d’écriture diverses, n’avaient jamais essayé l’écriture (cf. Michel Bréal : Pour mieux connaître Homère 1906, Hachette, Paris). 

  Pour la « lecture » des œuvres hexamétriques donc, il fallait savoir scander les vers. Notre illustre ami à Limoges, le Professeur Jean-Pierre Levet a toujours été prêt à nous aider. Il a même accepté de se déplacer deux fois à Tokyo, pour nous laisser profiter librement de son savoir en scansion et en grammaire. Sans son aide permanente, nous n’aurions pas pu arriver si loin. Il nous reste encore cent vers pour finir le troisième tour du chant XXIII de l’Iliade. Nous nous proposons de fêter l’année suivante, en juin, la 1100e séance de notre lecture hebdomadaire. Voici un extrait de nos plus récents échanges, début octobre 2022 :

   … …

   K. : À propos, tu peux m’expliquer sur le cinquième pied du vers 777 du chant XXIII de l’Iliade ? Y a-t-il un digamma devant ῥ ῖνάς pour lire τε ῥ ῖ en spondaïque ? 

    ἐν δ᾽ ὄν/θου βοέ/ου πλῆ/το στόμα/ τε ῥ ῖ/νάς τε· 

   J.-P. Levet :  Le travail accompli par ton groupe homérique est vraiment magnifique. Ta scansion du vers 777 est parfaitement juste. Il y a une coupe secondaire trihémimère et une coupe principale penthémimère. L’étymologie de  ῥ ῖνάςest inconnue. Une seule hypothèse, bien fragile, est mentionnée par Beekes. Cependant, je ne pense pas que ce soit un digamma qui expliquerait par position la longue de τε par position. Je suppose plutôt que l’on est en présence d’un traitement d’une séquence initiale *sr donne *hr, donne *rh, c’est-à-dire r sourd > donne double r (attesté par la métrique comme c’est le cas ici, mais toujours écrit avec un r simple), donne ρ (le simple, sourd est noté , cette notation s’étendant à tous les initiaux sonores devenus par analogie sourds). Il faut donc lire te avec une longue et puis rri (i long), stade archaïque de l’évolution précédemment décrite. Le iota, quant à lui, est long par nature. (À suivre).

 

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