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Philologie d'Orient et d'Occident
30 novembre 2022

Sur la traduction

Philologie d'Orient et d'Occident (504) : le 30/11, 2022, Tokyo, S. Kudo

                Sur la traduction

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La mer d'Izu (photo: Kyoko K. le 27 nov. 2022)

   Chers lecteurs, veuillez me permettre de vous présenter le professeur Philippe Brunet, helléniste de l’université de Rouen-Normandie, traducteur de littérature grecque ancienne (entre autres, il a traduit l’Iliade, 2010 au Seuil et son Odyssée vient de paraître chez le même éditeur) et interprète de génie dans ses diverses performances scéniques des œuvres homériques.

  En mars 2003, l’auteur de ces propos était présent dans la Salle des thèses de la Faculté des lettres de l'université de Limoges pour assister à une soutenance de thèses sous la présidence de M. Jean Irigoin, professeur au Collège de France. M. Brunet et mon illustre ami de Limoges Jean-Pierre Levet étaient du jury. Le candidat M. Hiroshi Notsu, étudiant japonais. La prestance majestueuse du jeune Brunet était impressionnante, inoubliable. J’ai appris que sa mère était d’origine japonaise.    

  Le 27 nov. 2022, j'ai envoyé un message à Philippe Brunet

  La dernière séance du cercle de lecture homérique s’est bien passée samedi dernier (elle a lieu une fois par semaine). La traduction d’une langue étrangère en japonais pose chez nous divers problèmes, parfois épineux et ennuyeux. Ce cercle a commencé en 1983, après le premier anniversaire de la mort de Nishiwaki Junzaburô, poète originaire du département de Niigata, passionné dès l’enfance par les langues anciennes d’Orient et d’Occident (chinois classique, latin et grec et langues modernes). Il fut à l’origine de l’Institut Gengo-Bunka (langue et culture) qui dépend de l’université Meiji-Gakuïn, Tokyo.

  Notre travail consiste principalement en deux activités : analyser minutieusement et scrupuleusement la scansion hexamétrique, le jeu des syllabes longues et brèves, et procéder à la traduction de l’Iliade en langue japonaise. Notre discussion se déroule à bâtons rompus mais agréablement, parfois avec des débats passionnés durant une heure et demie. Nous en sommes maintenant au chant XXIV de l’Iliade (pour la deuxième lecture intégrale).

  Nos débats portent souvent sur la traduction. Le transfert d’une langue à une autre nécessite, depuis mille cinq cents ans, de multiples attentions surtout entre le grand continent Chinois et l’archipel Nippon.

  La moindre inattention chez les uns pouvait devenir cause de conséquences graves chez les autres. Une interprétation plus ou moins biaisée d’un texte publié peut être cause de sérieuse dissension entre des gens qui se connaissent bien. En matière de traduction, notre pays vétilleux et tatillon est toujours maniaque.

  Je ne sais si vous connaissez Matsumura Takeshi, lauréat du Grand Prix de l’Académie Française en 2016 pour son Dictionnaire du Français Médiéval (éd. Belles-lettres 2015). Mme Levet en aurait offert un exemplaire, dès sa parution, à son mari Jean-Pierre pour son anniversaire. M. Matsumura était ancien élève de l’école de d’Étoile du Matin, où j’ai été enseignant dans les années 1960. Cette École des Marianistes (où la Marseillaise était l’hymne qui était chanté à la fin des études) fut fondée vers la fin du XIXe siècle par les missionnaires alsaciens au moment où Haga Eijirô, médecin et arrière-grand-père du côté maternel de Philippe Bruneti était boursier d’état en Europe, en Prusse. Il devait introduire à son retour des appareils médicaux aux rayons X.

  Or, M. Matsumura a très sévèrement critiqué la nouvelle traduction des Pensées de Pascal (éd. Iwanami 2015-16) de son confrère Shiokawa Tetsuya. Je me suis permis de m’exprimer à l’occasion dans mon blog en détaillant les problèmes inhérents à la traduction.  

  http://xerxes5301.canalblog.com/archives/2016/08/02/34133499.html 

 

  M. Brunet m'a fait la réponse suivante :

  Je connais de longue date le professeur Shiokawa ; votre billet a l'avantage de laisser percevoir à un public francophone les enjeux du débat. Les critiques qui sont faites à la traduction de Pascal de M. Shiokawa, après tout, témoignent d'un choix différent qui serait fait par l'auteur du Dictionnaire. Traduire dans l'esprit de la langue cible (M. Matsumura), ce n'est évidemment pas faire apparaître l'articulation et le jeu des pronoms français dans le japonais, choix plus scrupuleusement philologique (M. Shiokawa). Ce genre de difficulté se pose tout le temps au traducteur, même lorsqu'on passe du grec ancien au français ! Merci de me tenir ainsi au courant, très pédagogiquement, des questions qui vous préoccupent.

  Par Mme Murayama Kyoko, j'ai reçu un enregistrement d'une de vos séances homériques. J'ai pu apprécier la manière dont les Japonais s'attaquent à l'essentiel : faire vivre la beauté du texte d'Homère en grec ancien. Je serais heureux de participer un jour à l'une de vos séances. Bien respectueusement à vous.

 

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