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Philologie d'Orient et d'Occident
31 mars 2015

Athos et Lemnos: une réalité homérique (3)

Philologie d'Orient et d'Occident (321) Le 31/03/2015  Tokyo K.     

Entre le Mont Athos et l'île de Lemnos

Une réalité homérique (3)

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Sur la route des vacances par Misao Wada (cousu main)

 

   On ne connait rien de sûr au sujet d'Homère et de sa vie: ni sa famille, ni son lieu de naissance, ni son époque exacte (le IXe siècle av. J.-C.?), ni son identité, ni même s'il s'agissait d'un seul poète ou d'un groupe d'aèdes. La certitude de son existence n'est assurée que par l'existence des deux œuvres qui lui sont conventionnellement attribuées: l'Iliade et l'Odyssée: la dernière suppose, par son contenu, la première.

   Au cas où la guerre de Troie (seconde, en référence à la première expédition mythique contre Troie menée par Héraclès, l'un des Argonautes, rejeton de Zeus), aurait réellement eu lieu vers 1200 ans av. J.-C., le texte homérique a dû être taillé (tashta en sanskrit) près de quatre siècles après l'attaque contre la ville anatolienne.

   Longtemps transmis oralement, le texte fut fixé par écrit au VIe siècle av. J.-C., sous Pisistrate (vers 600-527 av. J.-C.), dictateur d'Athènes. L'Iliade, épopée d'Ilion, est située au sommet épique du monde actuel.

   Dans le passage montrant Héra volant dans les airs à l'île de Lemnos, première étape des Argonautes en quête de la Toison d'or (cf. billet 319), on lit:

   Λῆμνον δ᾽ εἰσαφίκανε, πόλιν θείοιο Θόαντος.   

   (Héra) arriva à Lemnos, dans la ville du divin Thoas (Iliade, chant XIV, v. 230).

   Homère ne savait sans doute pas que la ville de Thoas était ou serait appelée Myrina (Kastron actuel). S'il l'avait su, il aurait appelé la ville par son nom. Six siècles plus tard, au IIIe siècle av. J.-C., Apollonios de Rhodes (cf. billet 320) la nomma par écrit.

   Lemnos pouvait désigner, à l'époque d'Homère, les deux lieux: l'île et la ville. Homère n'a-t-il pas fait simplement en sorte que Λῆμνον et πόλιν soient en apposition? Alexis Pierron (cf. billet 300) note (chant XIV, v. 281) qu'Homère n'a pas connu la ville de Myrinna (sic.). On peut supposer qu'Homère n'ait jamais été dans l'île.

   Lors de la deuxième expédition, le roi de Lemnos n'était plus Thoas, mais Eunêos son petit-fils. Au chant VII, après un combat en duel entre Hector et le grand Ajax, les Achéens préparent le repas bien arrosé du vin que le roi des Lemniens, Eunêos, leur a fait parvenir, par ses nombreux navires. La mère du roi Eunêos est Hypsipylè, fille du roi Thoas, son père, Jason (Ἰάσων), commandant en chef des Argonautes.

   νῆες δ᾽ ἐκ Λήμνοιο παρέστασαν οἶνον ἄγουσαι      (Iliade, chant VII, v. 467)

   πολλαί, τὰς προέηκεν Ἰησονίδης Εὔνηος,             (v. 468)

   τόν ῥ᾽ ἔτεχ᾽ Ὑψιπύλη  ὑπ᾽ Ἰήσονι, ποιμένι λαῶν.    (v. 469) 

   Les nefs, de Lemnos, furent là apportant du vin,

   nombreuses, envoyées par le fils de Jason, Eunêos,

   qu'avait enfanté Hypsipylè sous Jason, pasteur du peuple. (tr. K.) 

   L'île de Lemnos aurait été la première base de l'attaque lancée contre l'Anatolie.

   Sans avoir jamais été à l'île de Lemnos, Homère semblait connaître à fond la geste argonautique, car Jason, père du roi de Lemnos au temps de la seconde guerre de Troie, lui aurait été bien connu ainsi que toute sa généalogie. On n'aurait pas tort de supposer qu'il connaissait également l'essentiel de la première guerre de Troie, la ville saccagée par Héraclès qui était ancien co-équipier de Jason.

   La vision temporelle et spatiale d'Homère, insondable, est d'autant plus surprenante que la langue de l'aède refusait catégoriquement l'écriture, ailleurs utilisée comme outil essentiel de la mémorisation. L'aède était homme de l'époque où l'oreille primait l'œil. Aucune trace du mot lettres (grammata) n'est constatée dans ses œuvres. Pour les sêmata lygra (signes funestes, Iliade, chant VI, v. 168), on ne peut en aucune façon être certain qu'il s'agît des caractères lisibles.

   L'examen de la langue d'Apollonios de Rhodes (cf. billet 320) fait état, plutôt que d'une évolution, d'un lifting superflu que la postérité a appliqué à la langue d'Homère.

   Le poète du IIIe siècle av. J.-C, est certes inspiré, dans l'ensemble, de la langue homérique, par le thème, la prosodie (hexamètres) et le lexique. Mais la langue d'Apollonios, artificiellement élaborée dans l'écriture, logique mais trop conforme aux règles strictes de la grammaire, est bien loin de la langue d'Homère, directe, rugueuse, vigoureuse, chargée d'images quasi-mythiques et profondément marquée par l'oralité. (À suivre)

 

 

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