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Philologie d'Orient et d'Occident
18 novembre 2014

Shimazaki Tôson à Limoges (1) L'œil parle

Philologie d'Orient et d'Occident (306) Le 18/11/2014 Tokyo K.

    Voici cent ans:

L'œil qui parle. Shimazaki Tôson à Limoges en 1914 (1)

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La Vienne à Limoges (photo par K. en septembre 2006)

   Voici juste cent ans, un jour de mi-novembre en 1914, le matin du 14 probablement selon エトランゼヱ Étrangers (Shimazaki Tôson, Tokyo, éd. Chikuma, 1957), le poète-écrivain japonais Shimazaki (1872-1943), historien et voyant de l'invisible, contemporain de Valéry (1871-1945) et de Proust (1871-1922, cf. billet 68), que l'école Meiji-gakuïn de Tokyo s'honore d'avoir eu comme élève, prenait, gare de Limoges (la superbe architecture actuelle, dite Bénédictins, inaugurée en 1929, n'existait pas encore), un train à destination de Bordeaux. (L'auteur de cet article a commencé à écrire ces lignes le 12 novembre 2014, à Tokyo).

   Plus de trois mois après le déclenchement des hostilités entre France et Allemagne, il pensait regagner Paris par la métropole du Sud-Ouest où l'ambassadeur du Japon et sa suite s'étaient réfugiés.

   Le 3 août 1914, l'Allemagne avait déclaré la guerre à la France. Après le refus belge de permettre aux troupes allemandes de traverser son territoire, l'Allemagne passa outre. Devant cette violation évidente de la neutralité belge, l'Angleterre mobilisa sa flotte afin de défendre, conformément au traité convenu avec la France, les côtes française et anglaise de la Manche des menaces qui viendraient de la mer du Nord.

   La coopération franco-anglaise s'organisait rapidement des deux côtés de la Manche pour contrecarrer l'offensive allemande. La bataille de la Marne ne tardait pas à se livrer pour le début de septembre. Le Japon impérial s'activait pour élargir sa présence dans l'Extrême-Orient ou, plus concrètement, s'emparer des possessions allemandes en Chine. Sous prétexte de faire valoir l'alliance avec l'Angleterre, l'empire du soleil levant déclara la guerre, le 23 août 1914, à l'Allemagne dont l'effectif avait quasiment déserté l'Asie. Shimazaki, voyageur étranger dans la France en émoi, n'aurait été au courant de ces nouvelles de guerre que très partiellement.

   Le 27 août 1914, quelque temps après l'engagement des hostilités, il a quitté la capitale avec ses quatre amis japonais, pour la plupart peintres, pour venir s'abriter à Limoges, préfecture de la Haute-Vienne, sur le conseil de sa logeuse parisienne Marie Simonnet (cf. billet 76), originaire du Centre de France. À l'époque, le chemin de fer desservait la gare Quai d'Orsay (aujourd'hui, ce serait Paris-Austerlitz) et Limoges en 7 heures (ibid, chap. 67, p. 137). Le voyage en groupe aurait été agréable. Shimazaki, originaire du centre du Japon, se délecta de voir de la fenêtre le paysage français comparable à son pays natal.

   Shimazaki et sa suite arrivent à la gare de Limoges le jour même de départ de Paris.

   «Notre arrivée à la gare coïncidait avec un départ des soldats en guerre, accompagné d'un grand rassemblement des gens de la ville. Là, l'apparition en cinq drôles d'étrangers les auraient beaucoup frappés. Immédiatement, nous avons été entourés, à droite et à gauche, d'un nombre d'hommes et de femmes s'approchant de nous pour regarder.

    Surgit alors une jeune femme, qui se faufilait dans la foule et venait vers nous en nous appelant par nos noms. C'était Marguerite. Notre logeuse parisienne déjà arrivée la veille dans cette ville de province, avait envoyé sa nièce nous chercher à la gare. Sous le regard curieux de la foule, Marguerite venue à notre rencontre rougit comme une petite fille. Notre sauf-conduit montré au gardien de la gare, nous avons échappé, installés dans un café devant la gare, à la curiosité des gens.» (ibid, chap. 67, p. 137-138 tr. en français par K.)

   En venant, dans une petite gare entre Paris et Limoges, ils avaient vu un train dont les wagons étaient bondés de soldats invalides (cf. ibid, p. 137). Limoges, ville hospitalière, accueillait ces blessés. La circulation en chemin de fer devenait de plus en plus difficile. Le 7 août, seulement une dizaine de jours après leur arrivée à Limoges, il fallait 30 heures à une famille pour descendre de Paris à Limoges (cf. ibid, chap. 70, p. 145).

   Shimazaki allait séjourner deux mois et demi à Limoges dans ces états, sans ne savoir que vaguement l'issue de la bataille de la Marne par laquelle l'avancée allemande était bloquée, la situation intérieure du pays relativement stable et Paris, sauve. (À suivre)

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