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Philologie d'Orient et d'Occident
30 juin 2020

Oralité et textualité (4)

Philologie d'Orient et d'Occident (458) le 30/06, 20 Tokyo K.

Oralité et textualité dans la langue d'Homère (5)

La Langue avant la langue homérique (2)

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  Agapanthus africanus dans un quartier de Shibuya Tokyo (photo, par K. fin juin 2020)

    Le radical du mot sanskrit masculin açva (féminin açvâ "jument"), "cheval", a pour nominatif singulier formé en açvas, selon la transcription traditionnelle en France: Renou, Dictionnaire sanskrit-français (5e tirage, de la première édition 1986, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient), son nominatif pluriel en açvâs "açva+as". La particule désinentielle as est censée être une particule indo-européenne pronominale -es.

   Selon André Martinet (1908-1999), dans des Steppes aux Océans (Paris, Payot, 1986), la particule, sans être tout particulièrement précisée par son étymologie, avait été utilisée comme ancien génitif singulier açva+as = açvaes > açvâs  (au lieu du nouveau génitif singulier açvasya), du nominatif singulier et du nominatif pluriel açvâ+es. On peut supposer que la particule -es (> -as) est plus ou moins indépendante et sans doute pronominale:

   Voici l'état ancien (au stade de la particule -es): l'ancien masculin singulier *so (<*tto) "lui; cela"; féminin sâ "elle, celle-là"); neutre *tod. On peut donc songer que la particule casuelle -s qui était utilisée depuis l'antiquité dans les verbes comme une particule à fonction démonstrative. Le correspondant sanskrit de *so était sah,le pronom singulier masculin.

   André Martinet semble avoir beaucoup profité, surtout dans l'établissement de sa théorie de la fonction pronominale: pronoms désinentiels supposés dans des formes verbales, et de la construction du nombre grammatical (pour former un pluriel, -es est ajouté à la racines du mot), des grands travaux linguistiques et archéologiques du savant allemand du XIXe siècle, Franz Bopp (1791-1876).

   Il y a bientôt deux siècles, Franz Bopp publiait à Berlin, sa Grammaire comparée des langues indo-européennes (édition qui est parue en six volumes de 1833 à 1852, Paris Hachette; l'édition refondue en 1868 à 1871 avait été traduite chez Hachette par Michel Bréal). Sans toujours donner des preuves évidentes dans ses affirmations dans son ouvrage (tome premier), il s'est campé sur ses prétentions: le -s, désinence casuelle du nominatif singulier, n'est autre chose que -sa sanskrit, particule désinentielle du démonstratif nominatif singulier. Le grand savant allemand montra mais ne donna pas les évidences

   Dans sa grande grammaire comparée des langues indo-européenne (premier tome, Paris Hachette, 1866),  Franz Bopp déclare au chapitre 134 concernant "La lettre s, suffixe du nominatif en sanskrit. - Origine de ce suffixe; l'illustre auteur déclare sans présenter de preuve: "Ce signe casuel tire son origine, selon moi, du thème pronominal sa (il, celui-ci, celui-là) (féminin sâ); nous voyons en effet, que, dans la langue ordinaire, ce pronom ne sort pas du nominatif masculin et féminin: au nominatif neutre et aux cas obliques du masculin et du féminin, il est remplacé par ta, féminin tâ." (ibid. p. 309)

   Cette notice était plus détaillée dans un autre endroit de l'ouvrage: Dans le principe; les cas n'exprimèrent que des relations dans l'espace; mais on les fit servir ensuite à marquer aussi les relations de temps et de cause. Les désinences casuelles furent originairement des pronoms, du moins le plus grand nombre, comme nous le montrerons dans la suite (ibid, p. 275). Cette idée avait été déjà affirmée dans l'introduction de l'ouvrage par les propos mêmes du traducteur français Michel Bréal: (...) les idiomes indo-européens se réduisent, en dernier analyse, à deux sortes de racines: les unes, appelées racines verbales, (...); les autres, nommées racines pronominales qui désignent les personnes, (...) (ibid. Introduction, p. XXV)

   Nous ne savons si cette démonstration serait bien suffisante pour qu'on puisse deviner la correspondance de l'idée d'André Martinet avec celle de Franz Bopp. Mais ainsi, nous espérons qu'on peut se faire une idée des conditions dans lesquelles s'est fondée la langue hellénique avant que s'imposent sur elle les règles de l'hexamètre, c'est à dire une langue uniquement orale, privée d'écriture quelconque (cf. notre billet 457), qui allait petit à petit s'ébaucher sur la textualité.  (À suivre).

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