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Philologie d'Orient et d'Occident
1 mai 2021

L'oralité antique

Philologie d'Orient et d'Occident (473)

 Le 01/05, 21 Tokyo K.

Deux civilisations antiques : Aïnou et Mycénienne (Suite au 472)

CIMG5871

Un jardin confiné chez K. (Shibuya-ku, Tokyo)

 

      La cité ancienne de Sannai-Maruyama située à l’extrémité nord de l’Archipel Nippon (dépt. Aomori) fut bel et bien et longtemps sans écriture depuis son début (vers 5500 ans avant nous) jusqu’au XVIIIe siècle (cf. billet 472). En effet, les vestiges archéologiques aïnou ne font état actuellement d’aucune trace d’une quelconque écriture et l’avenir ne devrait pas nous contredire. Cet état est un peu étonnant, vu de la proximité de la Chine, de longue date un grand pays d'écriture. L’Archipel Nippon, long de trois mille km (ce qui correspond, à 70 % de la longueur du pays de Chili du nord au sud en Amérique du Sud) aurait été longtemps et uniformément occupé par les populations d’origine continentale et venant de l'Asie du nord-est.

   Vers 3000 ans avant nous, cette uniformité fut rompue par les nouveaux immigrants arrivés de la péninsule Coréenne et de la Chine continentale (du Nord, du Sud ou de l’Australie, du côté polynésien). Ils ont amené dans l’Archipel une civilisation symbolisée, tout spécialement par la riziculture (avec ses méthodes de culture) et par le cuivre-bronze (avec sa technique de fonderie). Ce métal fut utilisé dans les rites religieux (cloches ou clochettes) mais rarement pour fabriquer les outils du quotidien (pour la cuisine) ou des armures pour attaquer les ennemis et se protéger en temps de la guerre.

   Cette civilisation post-Jômon, dite Yayoï, qui commence à se propager à partir du centre du pays, finit par séparer les habitants déjà sur place en deux groupes différents dont les caractéristiques génétiques étaient  identiques. L'arrivée de ces nouveaux immigrants eut pour résultat de refouler les occupants anciens, les uns vers le nord, les autres vers les îles du sud, Ryûkyû. Les protagonistes de la civilisation Yayoï réussirent donc à dominer dans le vaste territoire central du pays.    ... ... ...

   Vers la même époque, la société méditerranéenne mycénienne, continuatrice de l’ancienne civilisation crétoise (minoenne), fut mise en vedette pour la possession des deux écritures dites linéaires A et B, l'écriture B se voyant bientôt reconnue comme la langue ancêtre du grec. Or, le linéaire B ne se distinguait pas particulièrement de plusieurs nouvelles écritures déjà répandues à cette époque dans le Proche-Orient, l’Égypte comprise.

   Simple outil de l’administration, le linéaire B permettait de noter très sobrement les informations comptabilisées (quantité ou destination) des produits à taxer: laine, vin, huile d’olive, fruits, produits du cultivateur (anonyme en mycénien) ou du berger ποιμέν / ποιμένες : po-me / po-me-ne (en linéaire B), minéraux raffinés par les forgerons χαλκεύες : ka-ke-we etc. Ce système d'écriture, sérieux et précis, ne  semble pas avoir été employé dans le genre historique et encore moins littéraire.

   Comparer ces deux états d’écriture en Orient et en Occident pour leur trouver des points communs peut paraître tiré par les cheveux. Ce qui frappe cependant est l’indifférence, voire l’ignorance, à l’égard de l’écriture qui bientôt fonctionnera comme un précieux outil de communication. Non seulement la société aïnou qui longtemps ne voulut pas se munir de l'écriture (en effet, elle semble rechigner à l'adopter), mais la société mycénienne aussi semble avoir ignoré cette voie, se satisfaisant de l’oralité séculaire et ancestrale.

   Le second point commun est l’émergence simultanée et spontanée de ces faits dans deux régions si éloignées dans l'espace. Mycènes et Sannai-Maruyama sont aux antipodes l’un de l’autre, Cela laisse rêveur.  Or, le monde n’était pas été aussi divers qu'ajourd'hui. À cause de l’absence de monnaie, l’échange d’idées ou de denrées n’était pas si compliqué, si indirect. D’après Michel Bréal (cf. billet 458), la monnaie est l’un des trois éléments faisant défaut dans les œuvres homériques : les inscriptions en lettres, les arts plastiques (statues et peinture), et enfin la monnaie.

   Le monde ancien est constitué de liens, de relations directes. L’échange de la main à la main a été substitué très lentement, avant l’arrivée de l’âge des monnaies par le commerce de fait, échange indirect des valeurs des choses, alors que le peuple aïnou et mycénien, n’était pas familier du changement. Il rechignait plutôt devant ces innovations. Or, la langue ne fut-elle pas l’ultime étape de la transformation de la réalité en apparence factice ? Les anciennes populations d’Occident et d’Orient voulaient demeurer dans la société au concret. Elles ne souhaitaient pas être initiées au monde des signes en l’air.

(Fin pour l’oralité antique)

 

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