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Philologie d'Orient et d'Occident
17 avril 2021

Éloge de la voix vive (5)

Philologie d'Orient et d'Occident (472)

 Le 17/04, 21       Tokyo K.

Éloge de la voix vive (5) - fin

CIMG5745

Une baie aux îles Ogasawara, Tokyo (photo par K.)

 (Suite du billet 471)

   Je continue le billet précédent 471 pour y ajouter la suite de ma petite réflexion sur l’importance de la voix de l’époque Jômon tardive de l’Archipel Nippon, comparable aux temps des activités héroïques, voire homériques de l’Europe, c’est-à-dire, vers 5500-4000 ans avant nous.

   J’ai affirmé que le grand centre d’échanges Sannai-Maruyama (cf. billet 471) avait des traits communs à ceux de l’époque mycénienne, l'écriture mise à part.

   La société mycénienne, munie de l’écriture, avait certainement des scribes (?) travaillant sur les tablettes d’argile qui ont été détruites, mais que la cuisson a conservées lors des incendies causés par des pillards venus de la mer ou du nord. Mais le statut des scribes n’est pas clair, à la différence de leurs homologues de l’Égypte antique, en vedette, colorés, dans les statues des périodes de Pyramides anciennes.

   Le nom de la fonction de scribe de ces gens fait défaut dans les documents célèbres de Michael Ventris et de John Chadwick (Documents in Mycenaean Greek, Cambridge Univ. Press, 1956), deux Anglais qui ont réussi à déchiffrer les linéaires mycéniens, de même que celui des cultivateurs et des pasteurs qui avaient certainement existé, alors que le nom de profession: ka-ke-we en mycénien B (= khalkeus : travailleur sur airain = forgeron) est bien souvent enregistré.

   L’écriture mycénienne a bien existé, mais son importance reste dans l’ombre, terne, falote par contraste avec l’écriture égyptienne. De la fonction de cette dernière écriture témoignent quelques ouvrages de Christian Jacq, écrivain égyptologue, populaire auprès du grand public. Sur Wikipedia, on lui reproche de manquer de recul par rapport à ses sources. N’empêche, le Juge d’Égypte (surtout le 3e tome : la Justice du Vizir, éd. Grasset, 1994), par son réalisme, m’a séduit.

   Or, dans ces conditions, il y a un point commun entre la société ancienne de l'ancien Japon de Sannai-Maruyama et la société mycénienne en Europe. C’est l’importance de la voix elle-même, plutôt que de l’écriture seulement au service de l’administration. J’ai rappelé que les Aïnou de l’Archipel, les protagonistes antiques, continentaux en réalité, n’avaient accédé à une manière de transcrire leur langue, bien plus tard, qu’au XVIIIe siècle sans néanmoins se familiariser aucunement à son usage. Cette façon de se passer de l’écriture a persisté dans le nord-est de l’Archipel jusqu’à la fin du XIXe siècle, au moment où la scolarisation devint obligatoire par l’ordre du nouveau gouvernement Meiji. Même à ce moment, les femmes ont rechigné à s’y soumettre. Dans ma jeunesse, j’ai connu beaucoup de femmes analphabètes, dont ma grand-mère paternelle. Elles apprenaient par leurs proches parents comment il fallait procéder à chaque scrutin.

   En Chine où on ne peut distinguer le début de la langue orale de son système symbolique (écriture à la fois phonétique et sémantique: kanji), il n’en est pas du tout de même. Dans ce rapport son/signe, l’Inde où, sur le système visuel (le nâgari, par ex.) primait la capacité de compréhension par cœur (transmission védique), peut être comparée à notre état ancien de l’Archipel.

   Ce qui est remarquable est la grande continuité de cette société (1500 ans) qui aurait vécu en paix et en cultivant des valeurs collectives. La disposition stratifiée du cimetière fait état de cette communauté des valeurs. L’âge des pharaons les plus glorieux (autour de la XVIIIe à la XXe dynasties) n’a subsisté que 500 ans. Aucun prestige religieux ou, encore moins militaire, n’aurait vécu aussi longtemps que 1500 ans.

   Il vaut mieux se souvenir ici du sens énigmatique du mot prétérition, 暗示的看過去,  en chinois-japonais, dont j’ai fait état quelque part dans mon blog (cf. billets 455-456) Ce qui veut dire: voir (prévoir) le présent non pas par le présent mais par le passé. C’est par le passé uniquement qu’on peut comprendre l’état présent: le passé le plus ancien est le plus pertinent. Par ces temps actuels troublés depuis peu par le phénomène Covid-19, la meilleure manière de nous comporter, c’est de ne pas nous éloigner des meilleures expériences antiques. (À suivre) 

 

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