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Philologie d'Orient et d'Occident
6 mars 2012

Le vocalisme, indice chronologique

Philologie d'Orient et d'Occident (167)
                                       Le 06/03/2012,  Tokyo 

     Le vocalisme en ancien japonais, indice chronologique  



     Pour le japonais du centre de la période Asuka-Nara, Hashimoto Shinkichi (cf. billet 165) et son adepte Ôno Susumu ont coopéré pour ériger en théorie le vocalisme à huit voyelles : a, u et trois couples de i, e, o. Matsumoto Katsumi, par contre, dans sa conclusion du chapitre intitulé « Le commencement de la déclinaison du verbe japonais » (Kodai-nihongo-boïn-ron, Tokyo, Hitsuji-shobô, 1995, chapitre 3, p. 174), propose trois vocalismes de fond pour trois déclinaisons du verbe primitif : -a/o pour mizen-kei (inaccompli), -i pour ren'yô-kei (nominal) et -u pour rentai-kei (adjectival). Ces voyelles sont les mêmes, en nombre, que celles que, dans les billets 165 et 166, j'ai imaginées pour le japonais de l'époque archaïque avant l'introduction massive d'éléments continentaux.

     Matsumoto Katsumi se demande à propos de ces trois (ou quatre) voyelles archaïques non encore munies de leurs rajouts (hypothétiques) sur i, e, o : quelle était la vraie nature de ces -a / o, -i, -u, éléments constitutifs des trois déclinaisons fondamentales (mizen-, ren'yô- et rentai-) ? Ce triplet qu'on dirait l'ultime phase de la déclinaison du verbe japonais est littéralement enseveli dans la zone d'ombre « préhistorique »(ibid.).

     Je partage son avis, sauf ceci : il ne précise pas la nature de la voyelle archaïque -i. Était-elle palatale [i] ou non palatale [ı] ? Il me semble que le linguiste Matsumoto conçoit, pour le vocalisme archaïque i, la voyelle palatale i (moderne). Or, selon moi qui l'ai constaté dans les deux schémas du billet 166, c'était, d'entre les deux i (i et ı), le i palatal, nouveau-venu, qui s'est transmis à la postérité. Le non-palatal [ı], vrai i archaïque, disparu dans le centre culturel, a seulement persisté dans le fruste Nord-Est.

     Tout cela me porte à croire qu'à la période des trois (ou quatre) voyelles, l'agglutination de type : i + a > e (A) ;  a + i  > e (B) (pour rendre compte des deux e à l'époque des premiers documents écrits) et u, o + i (pour l'un des deux i) n'avait pas encore eu lieu. Car, si la fusion vocalique ı + a ou a + ı s'était produite, le japonais pré-documentaire aurait déjà disposé (même s'il ne convient pas d'appeler japonaise cette langue), d'un e, au moins, dans sa panoplie vocalique.

     On peut deviner que la voyelle e (double ou pas, qu'importe !) est née seulement à la suite de l'introduction d'un i palatal continental dans l'archipel où n'était en cours que le i non palatal [ı], inapte à déclencher l'agglutination ı + a > *e ou a + ı  > *e. C'est donc seulement après l'introduction du i palatal de Chine que la déclinaison verbale japonaise a enfin acquis sa plénitude avec son izen-kei (sake- pour saku « s'épanouir ») et son meirei-kei (sake !) (cf. billets 27, 166).

     On a déjà fait état d'un sabre dont la lame couverte d'idéogrammes chinois datait du Ve siècle (cf. billet 156). C'était le plus vieux spécimen d'idéogrammes chinois trouvé dans l'archipel. Le contact avec le chinois ayant commencé bien avant, Mizuno Masayoshi, historien archéologue (1934-), a affirmé que la première présence de kanji dans l'archipel pouvait remonter jusqu'au IIIe siècle avant J.-C. (Kodai-nihon-no-moji-sekai, 2000, Tokyo, Taishû-kan, p. 22).

     L'archéologue situe au IIIe siècle avant J.-C. une grande vague d'immigrants, au nombre de plus de cent mille, depuis la presqu'île Shan-Tung 山東 vers l'archipel nippon, fuyant la tyrannie de Qin Shi Huang 秦始皇帝, inaugurant ainsi l'âge de Yayoï au Japon (ibid.). Aujourd'hui, l'âge de Yayoï est censé avoir débuté plus tôt. De toute manière, le contact massif avec la langue du continent commença, au plus tard, au cours de ce siècle, sinon par échanges d'écriture du moins par des échanges oraux. On peut donc situer dans un espace de quelques cinq cents ans (-250 ~ 250) la réformation du japonais archaïque en japonais historique, vocaliquement plus riche, grammaticalement mieux charpenté. (À suivre).
 

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