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Philologie d'Orient et d'Occident
28 février 2012

Grammaticalisation du vocalisme japonais

Philologie d'Orient et d'Occident (166)
                                       Le 28/02/2012,  Tokyo 


La grammaticalisation du système vocalique
      Deux e en ancien japonais et la déclinaison verbale


     
     La phonologie vocalique qu'on a supposée dans les billets 164 et 165 pour l'ancien japonais du centre à l'époque archaïque peut être présentée de façon suivante :

                      a / o    u    e
    ı (non palatal, permutant avec u, o) i (palatal)
                            
     Le vocalisme antérieur à cette étape peut être montré en trois unités : a(o), ı et u. L'application de la valeur ı (non palatal) pour i archaïque vient de mon idée que le ı de l'Est de l'archipel conservait intact le i archaïque, antérieur au i palatal produit des contacts avec la langue du continent (cf. billets 164, 165).
     Le e réparti en deux e : A [< ı + a] et B [< a + ı] est une voyelle tard venue composée de deux éléments archaïques originels : a et ı. Pourrait-on appeler japonaise la langue à l'étape de ces trois voyelles ? Je l'ignore.

     La différenciation par ı et i, qui peut se constater dans les couples tels ; ki 寸 « unité de longueur : trois centimètres » et 木 « arbre » ;  fi 日 « jour, soleil » et 火 « feu » ; kami 髪 « cheveux » et kamı 神 « dieu », est tout simplement lexicale, voire particulière. Elle n'est pas un phénomène qui déclencha un système grammatical, telle la déclinaison.  

     La conjugaison du verbe japonais, totalement indifférente aux voix, aux modes, aux temps, aux personnes et aux nombres qui régissaient normalement le verbe indo-européen, présente une apparence toute différente de celle de l'indo-européen. La déclinaison aspectuelle du verbe rapproche le japonais plutôt du coréen et de l'aïnou, deux vieilles langues d'Extrême-Orient.
     Prenons un exemple typique : saku « s'épanouir ». Saku est en indéfini, dit shûshi-kei  終止形 « forme d'arrêt, indéfinie ».

     Ce verbe se décline en :
     mizen-kei « inaccompli » : saka-zu « ne pas s'épanouir »
     ren'yô-kei « nominal » : saki-te « en s'épanouissant »
     shûshi-kei « indéfini » : saku « s'épanouir »
     rentai-kei « adjectival » : saku-toki « lorsque s'épanouit... »
     izen-kei « accompli » : sake-ba « s'étant épanoui »
     meirei-kei « impératif » : sake ! « épanouis-toi ! »

     Le principe de déclinaison du verbe saku semble tenir au système binaire : saka- / saki- qui se résume dans une alternance vocalique : a / i. Saku (< saki- + wu) est composé du nominal saki et -wu, vieux verbe ontique dont la survivance est encore en usage dans le Ryûkyû en wun, wum, wuri, wurun (Atlas linguistique du Japon, 1966, vol. 2, carte 53, cf. billet 33).  
     Les deux voyelles alternées a et i ont généré une grammaticalisation accompagnant la différenciation des aspects du verbe en inaccompli et accompli (nominal). C'est là le début d'une restructuration pour une langue nouvelle.

     Il n'est pas difficile de rendre compte des deux formes en -ke : izen-kei (accompli) sake (ke B) et meirei-kei (impératif) sake (ke A). Sake (izen-kei) serait composé de saka- (mizen-kei) + i (particule emphatique), sake (meirei-kei), de saki- (ren'yô-kei) + a (racine du verbe ontique ari « être »). Sake (izen-kei) aurait donc été dans le japonais du centre quelque chose comme [sakai > sakε], sake (meirei-kei), [sakia > sakje]. Ces deux formes, non palatale et palatale, finissent par s'unir en une seule [sake] à l'approche de l'époque Heian (fin du VIIIe siècle).

     Le meirei-kei de ku « venir » était identique avec ko, son mizen-kei. Il est fort possible que le mizen-kei en général tînt lieu du meirei-kei (Matsumoto Katsumi : Kodai-nihon-go-boïn-ron, Tokyo, Hitsuji-shobô, 1995, p. 161). Pour saku, c'était saka ! qui pouvait s'employer en meirei-kei. Pour izen-kei, l'auteur ne reconnaît pas de différence de fond entre izen-kei et mizen-kei (ibid., p. 166). On voit, ainsi, dans les formes verbales japonaises, se manifester plusieurs étapes de formation chronologiquement différentes. (À suivre).
     

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