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Philologie d'Orient et d'Occident
21 février 2012

Le vocalisme japonais et le dialecte de l'Est

Philologie d'Orient et d'Occident (165)
                                       Le 21/02/2012,  Tokyo    K.


Prolongements du vocalisme de l'ancien japonais
  Deux i et deux e en ancien japonais et le dialecte de l'Est


     
     Hashimoto Shinkichi (1882-1945), grand pontife du monde linguistique d'avant-guerre, a longtemps laissé dire qu'il avait conçu par lui-même l'idée que le vocalisme de l'ancien japonais se résumait aux huit voyelles (cf. Yasuda Naomichi : Ishizuka Tatsumaro to Hashimoto Shinkichi, Kokugo-gaku, Tokyo, 2003, vol 54, no 2). Il était pourtant précédé dans l'ensemble par Ishizuka Tatsumaro (1764-1823) qui avait écrit son obscur Kana-Zukai Oku-no Yama-michi en s'inspirant du chapitre intitulé Kana-no koto du Koji-ki-den de Motoori Norinaga, son maître (cf. billet 159).

     Voici un petit résumé du problème. En ancien japonais, avant la naissance du système kana, l'écriture kanji phonétique laissait supposer qu'il y avait huit voyelles au lieu de cinq : a, u, deux i, deux e, deux o. Les doubles i, e, o ne se présentaient pas à la suite de toutes les consonnes mais seulement après k (g), f (b), m pour i et ek (g), s (z), t (d), n, y, r et m pour o (le double mo n'apparaît que dans le Koji-ki). À part les sonores (g, b, z, d), le phénomène concernait treize syllabes : ki, fi, mi, ke, fe, me, ko, so, to, no, yo, ro, (mo).
     Pour le double o, le Dr. Matsumoto Katsumi, le meilleur spécialiste en la matière, a émis l'opinion que les deux o dans ko, so, to, no, yo, ro, (mo), qui ne constituaient en vérité qu'un seul phonème, étaient des allophones, perçus différents seulement selon la nature des syllabes environnantes. 
     Sur la qualité des deux e, on s'accorde pour penser que l'e (A) est une voyelle composée des deux anciennes [i + a] (> e palatal), l'e (B), des [a + i] (> e non palatal). En japonais, [e] est la plus tard venue des cinq voyelles courantes  [a, i, u, e, o].
     De la provenance de deux i et de deux e, je m'en remets à l'ouvrage du Dr Matsumoto (Kodai-nihongo-boïn-ron, Tokyo, Hitsuji-shobô, 1995), sauf que le i (B) vient, selon lui, d'un composé de deux voyelles : [u+i] ou [o+i]. La nature de ce i n'y est pas précisée.

     Le système à huit voyelles avait été pratiqué dans le centre culturel du pays, qui se trouvait assez fréquemment en contact avec le chinois, par des échanges de documents ou de paroles. Or, surtout d'après le Man'yô-shû, le vocalisme à huit n'aurait pas été en usage dans les pays de l'Est. On rendait compte de cette absence de doubles i, e et o en présumant que les parlers du nord-est n'étaient que des dialectes frustes qui manquaient de la finesse du centre.
     Pour i et e du centre, on peut imaginer le processus d'évolution suivant :

tableau165a

     Ce serait donc la palatalisation qui régissait le phénomène. Selon le Dr Matsumoto (op. cit., p. 154), « la catégorisation A et B des voyelles i et e doit être due à la différence des consonnes précédentes plutôt que des voyelles elles-mêmes. La qualité phonique et phonologique est discernable selon la palatalisation ».
     L'inconvénient de cette idée réside dans son incapacité à rendre compte de l'absence du phénomène dans les pays de l'Est. Les poètes originaires des pays du nord-est ne savaient distinguer non seulement entre les deux i mais entre les deux e ainsi qu'entre les deux o. Ce que j'ai dit à propos du i de la langue de l'Est (cf. billet 164) se conçoit dans le schéma :

tableau165c
     Dans les pays du nord-est, le vieux i non-palatal n'a été remplacé par le nouveau i palatal qu'à l'époque moderne.  (À suivre).

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