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Philologie d'Orient et d'Occident
22 octobre 2013

Le Tôhoku (22) Le nord-est contre l'empire (6)

 

Philologie d'Orient et d'Occident (250)
                                    Le 22/10/2013,  Tokyo    K.

Isé-Jingû, tête de pont pour la conquête de l'Est

Le nord-est contre l'empire (6)      Le Tôhoku (22)

 

                                     001129

                                         Amaterasu et Ôkuni-nushi par Misao Wada

 

   Le 15 octobre, sous une pluie battante, j'ai visité le sanctuaire d'Isé, temple de la famille impériale et tête de pont pour l'Est, où venait d'être célébré quinze jours auparavant le transfert de l'âme Amaterasu, comme tous les 20 ans (cf. billet 249).

   C'était la deuxième visite d'Isé de ma vie. J'avais fait la première il y a cinq ans, en 2008, par un beau temps d'octobre, à l'occasion d'un congrès de littérature ancienne qui avait lieu à l'université Kôgaku 皇学-kan. Kôgaku veut dire «études impériales».

   Non spécialiste de la matière mais attiré par quelques conférences annoncées par avance, je logeais dans une petite pension qui semblait sainte et studieuse. J'ai profité de ce séjour pour visiter pour la première fois le lieu sacré.

   La grande futaie, inclinée vers la mer (Pacifique) de l'est et traversée par le ruisseau transparent Isuzu, se confondait avec la végétation d'une chaîne de montagnes qui se prolonge vers l'ouest. L'épaisse forêt abrite l'enceinte (avec Gekû - billet 248 -, aussi étendue que celle de Lourdes) au milieu de laquelle, sur une élévation, se tient le saint édicule en bois.

   Les visiteurs étaient alors certes nombreux, mais pas autant que cette fois. Le 15 octobre, j'ai été ébahi par la grande foule. Ces bonnes gens, pour la plupart adeptes shintoïstes mais pour l'occasion sans doute, avaient l'air, je me demande encore pourquoi, heureux ou, si on peut se permettre, béats, malgré la pluie torrentielle, avant-coureur d'un puissant typhon, tel qu'il n'en arrive qu'une fois tous les 10 ans selon la météo et menaçant la côte est de l'archipel.

   La rencontre des deux grandes occasions religieuses du pays de cette année: renouvellement tous les 60 ans du temple Izumo (cf. billet 248) et reconstruction tous les 20 ans de l'édifice Isé comme lieu de déménagement de l'âme Amaterasu, aurait contribué à engendrer cet engouement populaire pour le premier temple protecteur de l'empire. Le caractère religieux de la coïncidence fortuite des deux festivités animait la conversation, prodigue en pseudo-théologie, dont on était friand en ce grand moment d'inquiétudes de l'archipel.

    L'énorme tsunami dévastateur du 11/03, il y a déjà deux ans et demi, sur la côte nord-est de l'archipel et la catastrophe nucléaire qui s'en est suivie à Fukushima, situé également sur la côte nord-est du Pacifique ont fini par marquer d'un profond traumatisme et d'une inquiétude sans fin la quasi totalité des habitants de l'archipel. Le désastre de Fukushima (cf. billets 237-238), surtout, est toujours teinté de quelque chose de désespérant par le caractère durable du phénomène.

   Toute tentative d'annihiler ou de punir les responsables supposés de la situation se révèle vaine, car les conséquences n'en prennent pas fin pour autant. Les fervents de l'ordinateur, habitués à tout remettre à zéro ou à recommencer du point de départ, se rendent compte soudain que leur procédé dada ne vaut rien. On est donc obligé d'admettre que la situation dure pour toujours. On sait que la vie peut être joyeuse mais seulement de courte durée. Contre l'avenir se dresse une immense muraille de désespoir que rien, même la perspective des J.-O dans 7 ans, ne pourra démolir.

    On commence alors à comprendre que dans l'archipel, il y a quelque chose de bien durable: la famille impériale et son sanctuaire qui la protégea et protège toujours. On se trouve soudain devant le fait qu'on en est, de cette famille.

    Le sanctuaire Isé était connu depuis bien avant le Jinshin-no Ran (672) comme un puissant point spirituel, trop sensible pour qu'on y accède. L'empereur Tenmu (cf. billet 249), en route pour lever son armée dans la terre de l'Est, n'approcha pas d'Isé. Selon Yoshida Yoshiyuki (1957-), conservateur du Musée Motoori Norinaga (cf. billets 159 et 162) à Matsuzaka, Tenmu se serait contenté, de bien loin, de Kuwana, de faire une révérence dans la direction d'Isé, comme en a fait une de Tokyo, le 2 octobre, Akihito, l'empereur actuel. (À suivre).

 

 

 

 

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