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Philologie d'Orient et d'Occident
29 octobre 2013

Le Tôhoku (23) - Le nord-est contre l'empire (7)

 

Philologie d'Orient et d'Occident (251)
                                    Le 29/10/2013,  Tokyo    K.

L'empereur Meiji et deux hommes de longues marches Motoori Norinaga et Matsuura Takeshirô

Le nord-est contre l'empire (7)      Le Tôhoku (23)

 

001122

                                           Racines de colocase par Misao Wada

 

   Connu pour ses grands voyages dans le nord de l'archipel (Hokkaidô), encore mal exploré au XIXe siècle, Matsuura Takeshirô (1818-1888), était originaire non pas de la commune d'Isé qui abrite le sanctuaire impérial (cf. billet 250), mais de la commune de Matsuzaka située à 20 km au nord-ouest de la ville sacrée. Depuis le début de l'époque Édo, Matsuzaka était une ville déjà touristique, sur la route d'Isé, et prospère grâce à diverses industries et surtout au commerce dans la baie Isé donnant sur le Pacifique. Elle formait avec Kyoto à 90 km au nord-ouest et Nagoya à la même distance au nord-est, les trois sommets d'un grand triangle isocèle d'économie régionale.

   Kyoto, se trouvant à peu près à 130 km à l'ouest de Nagoya, continuait de rivaliser d'influence culturelle, tout au cours de l'époque Édo, avec la nouvelle capitale Édo, l'actuelle Tokyo. Les gens de Matsuzaka, lorsqu'ils se sentaient une envie de s'instruire, étaient moins tentés d'aller par voie maritime à Nagoya située sur le chemin de la capitale, que de se rendre à Kyoto, à pied, en franchissant plusieurs cols de la chaîne de montagnes Suzuka. Le voyage à pied ne les effrayait guère. Kyoto aller et retour était l'affaire de quelques jours et le temps ne leur manquait pas.

   Ainsi, la mère du jeune Motoori Norinaga (1730-1801, cf. billets 159 et 162) envoya son fils à l'âge de 22 ans se faire médecin à Kyoto, lui qui était toujours passionné de vieux écrits et de géographie mais entièrement rétif, quasi inapte au commerce malgré son apprentissage du métier à Édo où l'adolescent s'était rendu à pied.

   La mère, une maîtresse femme, à l'esprit judicieux, lui fit savoir à son départ qu'elle souhaitait avoir de la bonne poudre à se mettre sur le visage, alors introuvable ailleurs que dans l'ancienne capitale, et qu'il n'oublie pas sa demande au moment de rentrer à Matsuzaka! Le prix de ce produit de beauté, d'après le conservateur Yoshida (cf. billet 250), était exorbitant. Drôle de maman que celle de Norinaga!

   Rentré médecin à Matsuzaka, saturée alors de praticiens, Norinaga ne recevait pas ses clients chez lui, mais rendait visite à de ses malades à leur domicile. Selon le conservateur Yoshida, sa tournée à laquelle il ne rechignait guère d'ailleurs atteignait parfois 60 km par jour. Il faisait chaque jour un grand voyage à pied. Le soir, il recevait les disciples auxquels il donnait des leçons. C'était un homme d'étude et de longues marches.

   Ses écrits étaient longtemps délaissés dans un grenier d'un riche commerçant de Matsuzaka lorsqu'en novembre de l'année 1905, l'empereur Meiji fit sa visite au sanctuaire d'Isé pour exprimer sa gratitude après la victoire dans la guerre russo-japonaise (1904-1905). Au retour, à Matsuzaka, l'empereur, informé du piteux état dans lequel se trouvaient alors les écrits du philologue Norinaga, contribua à une construction qui les abriterait dans de meilleures conditions.

   Avec sa visite au temple impérial au moment de la victoire, c'est-à-dire, lors d'une forte cohésion nationale, l'empereur réussit à renouveler le caractère impérialiste, longtemps émoussé dans l'ancien régime, du sanctuaire, en même temps qu'il profita de l'occasion, avec sa contribution symbolique (500 yens; comparer cette somme modique, qui, aujourd'hui, ne vaut qu'un petit thé au lait, au total des dépenses de la guerre: dix-huit cents millions de yens), pour faire du fervent philologue Norinaga le philosophe à l'échelle nationale qu'il était déjà en effet et dont les idées devaient longtemps s'imposer jusqu'à la défaite de la guerre du Pacifique en 1945.

   Nombre de vaisseaux de guerre et de porte-avions de l'armée japonaise portaient des noms tirés non pas directement des anciens documents tels que Koji-ki ou Manyô-shû mais des écrits dus à Norinaga.

   Né longtemps après le décès du savant Norinaga, Matsuura Takeshirô semble n'avoir eu rien de commun avec son prédécesseur, sauf qu'ils étaient tous deux originaires de Matsuzaka. En effet, Takeshirô partageait avec son compatriote une qualité essentielle qui fait les grands hommes: la vue perçante et le jarret solide qui permettent de soutenir un intérêt intarissable pour la géographie. (À suivre).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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