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Philologie d'Orient et d'Occident
20 novembre 2012

Qui a le dernier mot sur la question aïnou ? (2)

Philologie d'Orient et d'Occident (204)

                                       Le 20/11/2012, Tokyo     K.

Qui a le dernier mot sur la question aïnou ? (2)

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     Mariage des Renards, par Misao Wada

   La publication par Pierre Naert de son récit du voyage en suédois Aioina (1960) ne pouvait entraver le recul progressif de l'hypothèse indoeuropéenne de l'aïnou.

   Pour les correspondances non fortuites de l'aïnou avec l'indo-européen, Naert était amené à dire: [...] il n'y a que deux possibilités: ou bien on les interprétera comme des emprunts [à l'indoeuropéen], ou bien on y verra des témoignages d'une parenté d'origine. Dans AIE (La Situation linguistique de l'Aïnou et indoeuropéen), j'opte pour la parenté d'origine. (Généralités sur la parenté linguistique et sur l'indo-européanité de l'aïnou, 1962, repris in The Ainu Library, Tokyo, Synapse, 1998, coll. 2, vol. 5).

   Attaqué de toutes parts, il en a été réduit à repenser la notion de «parenté linguistique»: «Ce n'est pas un secret que beaucoup de comparatistes n'ont pas admis cette conclusion. Il semble cependant que ces sceptiques n'aient pas aperçu que ce qu'on entend par «parenté linguistique» n'est en fin de compte qu'une question de définition.» (ibid.). Ainsi s'appuie-t-il sur sa propre définition pour persister dans ses idées: [...] pour ce qui est de la question principale [...], à savoir: l'aïnou est-il ou n'est-il pas une langue indoeuropéenne, la réponse ne peut à mon avis guère être autre que la suivante: l'aïnou n'a pas moins d'élements indoeuropéens que le tokharien ou l'albanais; si ces langues sont indoeuropéennes, l'aïnou aussi doit l'être. (ibid.).

   À propos des «correspondances» de Naert entre l'aïnou et l'indoeuropéen, A. B. Dolgopol'skij, linguiste russe, a émis en 1963 une réfutation remarquable (cf. billet 203). Selon lui (d'après la version anglaise in The Ainu Library, op. cit., coll. 2, vol 5), les correspondances entre A. et I, sont des résultats de relation qui, dans la théorie de H. Swadesh, se produisent entre toutes les langues qui existent actuellement sur la terre. [...] Les correspondances les plus marquantes entre A. et I., avec le plus de force persuasive, apparaissent ainsi non spécifiques à ces langues, mais communes aux diverses langues nostratiques (= paléo-eurasiennes). [...] L'absence dans l'aïnou des pronoms personnels (première personne du sing. avec m- et seconde personne du sing. avec t-, s-), si caractéristiques des langues nostratiques, va à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle l'aïnou appartiendrait à ces langues. [...] Les correspondances peuvent être expliquées comme mots empruntés aux langues nostratiques et plus tard à l'indo-européen. P. Naert maintient cette dernière hypothèse. Il regarde l'aïnou comme appartenant à la famille indo-européenne (langue fille, non langue sœur). Ce qui signifie que, selon Naert, la langue aïnou est plus proche des langues que nous appelons indoeuropéennes, que, par exemple, des ouraliques ou des sémitiques.

   Là-dessus, A. B. Dolgopol'skij tranche la question: Un calcul de probabilité, avec les matériels présentés, ne permet pas de soutenir une telle hypothèse. (Traduction de l'anglais au français par K.)

   La même année que l'article du linguiste russe, O. G. Tailleur, réfutant quelques étymologies indoeuropéennes de mots aïnous (sic) proposées par P. Naert, exposait sa conclusion à la troisième personne: Il croit, pour sa part, que l'énigmatique langue aïnoue (sic) se rattache à la vaste famille "paléo-eurasienne", maintenant dispersée de l'Espagne aux îles Kouriles, et comprenant le basque, le caucasien du Sud, le caucasien du Nord, le sumérien, le bourouchaski, l'iéniséien et quelques autres langues antiques de la région méditerranéenne [...]. («Remarques à des étymologies aïnoues», Lingua 12, 1963, repris in The Ainu Library, op. cit., coll. 2, vol. 5). 

   Jean-Pierre Levet (cf. billet 14) a développé cette vue dans ces termes: La chronologie connue (et avérée) ne permettait évidemment pas d'envisager que l'aïnou pût être une langue indo-européenne, puisqu'il y a un fossé de dix mille ans environ entre la migration des Aïnous au Japon et l'éclatement de l'indo-européen en langues séparées. On devrait, en revanche, se demander s'il n'est pas concevable d'examiner les faits en les situant dans les limites larges de l'évolution d'une macrofamille, l'aïnou et l'indo-européen, [...] ayant un ancêtre commun au énième degré, séparés d'eux par des séries de paléomésolangues. («Les Paléo-Euro-Asiatiques et les Tokhariens», Tôzai 2, Limoges, Pulim, 1997). (À suivre)

   

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