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Philologie d'Orient et d'Occident
9 août 2011

Le Koji-ki et les archers à cheval (3)

Philologie d'Orient et d'Occident (137)
                               Le O9/08/2011,  Tokyo      k.

    Le Koji-ki et les archers à cheval (3)

 

     On vient de montrer, dans le billet 136, comment un rebelle, oncle de l'empereur Sujin, fut tué, percé de la première flèche d'un homme de l'armée de Ôhiko-no Mikoto, un autre oncle du souverain. Dans l'antiquité de l'archipel de même que dans celle de la Gaule, la recherche effrénée du pouvoir dégénérait souvent en sérieux conflits familiaux.

     La loi salique des Francs stipulait que tous les princes de filiation mâle possédaient un droit égal de succession non seulement aux biens du royaume mais à la royauté elle-même. Tous les princes royaux pouvaient donc s'assurer d'une certaine possibilité d'accéder au sommet. Cet état des choses qui minait le régime chaque fois que survenait le décès d'un souverain persista longtemps en France. L'Histoire des fils de Louis le Pieux de Nithard (éd. et trad. par Ph. Lauer, Paris, 1926, l'original en latin) en fait amplement foi.

     Dans l'empire du Japon, on put en finir avec cette instabilité de régime sous le règne de l'empereur Tenmu (672-686) qui avait beaucoup souffert des tares traditionnelles de la succession. Il institua le droit d'aînesse dans la succession impériale. Ce qui eut pour résultat d'adoucir les conflits familiaux comme ceux qu'il avait connus tout au long de sa vie. Il était plus démocrate que ses homologues gaulois. Il n'a pas exclu les femmes de la succession impériale. Aux environs de son règne (672-686), les impératrices rivalisent en nombre avec les empereurs : Suiko (règne 592-628), Kôgyoku (642-645), Saimei (= second règne de l'impératrice Kôgyoku : 655-661), Jitô (686-697), Genmei (707-715).
 
     C'est cette dernière, l'impératrice Genmei, qui fit rédiger le Koji-ki au fonctionnaire Ôno-Yasumaro qui lui offrit en 712 l'ouvrage en trois volumes. Pendant moins de 180 ans depuis le règne de Suiko au Shôtoku (764-770), il régna seize empereurs dont huit impératrices. Une égalité des sexes dans la politique était établie dans la haute antiquité japonaise ! Le début d'un empire tâtonnant au VIIe siècle qui passait pour une période agitée était plutôt féminin.

     Revenons à nos chevaux et fantassins du billet 136. Takéha-Koyasu-no-Ôkimi, oncle rebelle de l'empereur Sujin (supposé du IVe siècle) aurait péri, percé d'une flèche, au premier choc des engagements entre les deux armées. La scène peut être imaginée de deux façons, du côté de l'armée de Ôhiko-no Mikoto, soit :

     1) un cavalier vétéran aurait mis pied à terre et sur la terre ferme, il aurait décoché un premier trait avertisseur.
     2) un archer, fantassin et non cavalier, spécialisé en l'art du tir à l'arc, aurait assumé ce rôle.

     Il est très probable que les archers à cheval à la mongole n'existaient pas encore au IVe siècle dans l'archipel. Alors, à quelle époque est apparue la fameuse image des samouraïs, peints dans les tableaux du moment des attaques mongoles (cf. billet 134), qui combattaient en selle en tirant à l'arc ? 

     Le Koji-ki relate une terrible mésaventure survenue au prince Oshiha sous le règne de l'empereur Ankô (supposé du Ve siècle). Un matin, parti seul à cheval, de très bonne heure, pour chasser les cerfs qui paissaient alors en grand nombre au coin d'un lac, il s'approche de la cabane de chasse d'un autre prince, Ôhatsusé, et s'adresse à ses hommes : « Hé, dormez-vous encore ? Le jour se lève. Venez vite me rejoindre pour chasser ! » À ces mots, il s'éloigne à cheval.

     Les hommes du prince Ôhatsusé de se dire aussitôt entre eux : « Que de choses pénibles il a proférées ! Soyez vigilant, mon prince. Armez-vous bien ». Le prince Ôhatsusé, bien armé de sa cotte de mailles et de son arc, poursuit le prince Oshiha qu'il rattrape aussitôt. Se plaçant à son niveau, sans arrêter son cheval, il lui décoche un trait mortel le mettant à terre. Après quoi, il le dépèce, le met dans une auge et l'enterre, au ras du sol, sans faire de tumulus. (Koji-ki, éd. Iwanami, 1988, p. 183). Frisant la folie mythologique, ce récit a pourtant le mérite de nous montrer un archer à cheval du Ve siècle. (À suivre).   
    

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