Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Philologie d'Orient et d'Occident
31 mai 2011

Les Annales des trois règnes (5) : les chevaux

Philologie d'Orient et d'Occident (127)
                                    Le 31/05/2011, Tokyo       k. 

       
   Les chevaux dans le Japon archaïque (1)
     Les Annales des trois règnes (5)  


     L'empereur conjura, le chroniqueur nota (cf. billet 125).
     Dans les Annales des trois règnes, un glissement significatif de la fonction impériale était déjà accompli. Du héros militaire dont les hauts-faits illustraient nombre d'épisodes de la conquête territoriale dans le Koji-ki ou les Fudo-ki (chroniques de province), premières œuvres en langue mixte (japonais / chinois), l'empereur se mua en exorciste des fléaux, secouriste des sinistrés ou prieur des âmes défuntes. Cette dernière fonction se perpétue encore maintenant.

     Dès le début de l'époque Héian (de la fin du VIIIe à la fin du XIIe siècle), le rôle principal de l'empereur consista à conjurer le mauvais sort du pays, à exorciser les démons amenant dans le pays diverses manifestations de la Nature : grands froids, chaleurs excessives, inondations, sécheresses, raz-de-marée, éruptions volcaniques, tremblements de terre ou, même, incendies.

    Alors, comment se comportait l'empereur en temps normal quand il ne s'occupait pas de la routine de la cour impériale ? Il avait l'habitude d'assister régulièrement à deux démonstrations de la force physique : tir à arc et luttes (相撲 sumafi = sumô dont était friand un ancien président de la République).


    Le 18 janvier 869, selon le vieux calendrier, (la onzième année de Jôgan, année où aura lieu en mai un grand séisme accompagné d'un gigantesque tsunami sur les côtes pacifiques du nord - cf. billet 113), l'empereur Seiwa se rend tranquillement dans la salle de tir impériale pour passer en revue l'exercice des archers. De même, le 24 mars, il se retrouve au même endroit pour s'exercer lui-même à l'arc avec les jeunes gardes du premier prince. Pour le sumafi, le 28 juin, en 868, il chargea le ministre de la défense de gérer les séances coutumières de la lutte. Il aimait en voir le spectacle, d'ailleurs déjà fort ritualisé. L'amour de l'empereur pour la manifestation de la force physique s'est maintenu jusqu'à nos jours.

     Ces deux épreuves ne manqueront pas de vous rappeler un personnage éminemment homérique : Ulysse, vigoureux lutteur-pugiliste (chant XVIII, Odyssée) et puissant archer (chant XXI, Odyssée). Les types de vertu physique des temps anciens se ressemblaient en Orient ainsi qu'en Occident. S'agissait-il de la puissance physique réelle ou virtuelle ?
     À l'époque Héian, le concret était en train de se transformer en abstrait. Les idéogrammes chinois allaient se vider d'idées pour devenir de simples signes phonétiques : kana. Nous y reviendrons dans un billet prochain.

    Ce qui me frappe dans les Annales, c'est l'intérêt que l'empereur portait au passage en revue des chevaux qui lui étaient régulièrement amenés des provinces comme dons.
    En 868, l'année précédant le tsunami catastrophique du Tôhoku, au seul mois d'août, l'empereur passa deux fois en revue les chevaux venus, d'abord, du pays de Shinano (dépt. actuel de Nagano), le quinze août, ensuite, du pays de Kôzuke (dépt. actuel de Gumma) le 28 août. (cf. billet 125).

     Il avait commencé, la même année, le sept janvier (appelé plus tard, hakuba-no sétié « jour du cheval blanc »), par passer en revue un cheval bleu, au palais Shishin-den. L'acte de l'empereur aurait eu un sens rituel afin de célébrer le nouvel an, car, tous les ans, le sept janvier était réservé au passage en revue d'un cheval luisant de couleur. Une note dans les Annales (p. 23) dit qu'il s'en abstint en 859. La vue du cheval ao « bleu » (en fait, ao se disait du blanc au noir luisant), acte exorciste de l'année, était un feu vert à l'ouverture des offices impériaux.

     En 869, le quinze août, jour de la revue hippique, l'empereur va voir les chevaux du pays de Shinano, et le vingt août, au même endroit, les chevaux du pays de Musashi. Ces trois pays : Shinano, Kôzuke et Musashi se situent au nord-est de la capitale de l'époque. Shinano à 250 km, Kôzuke et Musashi à 350 km de Kyoto à vol d'oiseau.         (À suivre)

Publicité
Publicité
Commentaires
Philologie d'Orient et d'Occident
Publicité
Archives
Publicité