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Philologie d'Orient et d'Occident
16 février 2011

L'hégémonie linguistique (2)

Philologie d'Orient et d'Occident (106)
                                 Le 16/02/2011, Tokyo        K.

   Contre l'hégémonie linguistique (2)

     Enfin la guerre d'Iraq s'est déclenchée en mars 2003, alors que je me préparais à partir en France. Pour se renseigner sur les événements à Bagdad, nos media japonais recouraient uniquement à des sources de seconde main, en langue anglaise. La télé NHK nous retransmettait une communication téléphonique traduite (en japonais) de l'anglais d'un employé jordanien anglicisant d'un hôtel d'Ammān.
     J'ai vu à la télé dans un hôtel de Paris un spectacle tout autre :  une jeune journaliste à Bagdad (donc, sachant l'arabe, sans aucun doute), postée devant un char fumant de poussière, parlait français avec une volubilité passionnée. C'était vraiment un reportage de guerre sur place.

     Il y a des gens qui pensent que l'anglais seul doit être compris partout dans le monde. La tragédie procède de l'incompréhension de la diversité. Croire au recel d'armes de destruction massive. Tuer à coup de fusil, par peur du terroriste suicidaire, une fillette qui s'approche pour avoir des bonbons. Ces deux faits sont liés.

     Étudier dans les universités américaines, japonaises ou anglaises, n'est pas gratuit. Dans certains pays, il faut payer les études. Au sommet de l'échelle universitaire payante trône l'université Harvard. Alors qu'en Europe, en général, il ne s'agit que des frais d'inscription, dont la somme est bien modique par rapport à celle des scolarités anglaises, américaines ou japonaises. L'université américaine avec frais de scolarité et la française avec frais d'inscription sont deux idées toutes différentes.

     Les grandes-écoles françaises où tous les étudiants bénéficient d'allocation ou de bourse d'état ne sont pas « universités ». Faire le classement, sur le critère des valeurs anglo-saxonnes, des établissements scolaires qui reflètent les diverses conditions de chaque pays aura-t-il quelque sens ?
     Payer les études est une pratique courante dans les pays d'obédience capitaliste, alors que l'UE fait des efforts pour assurer, même aux étudiants étrangers, l'enseignement gratuit. Le Japon, un des derniers pays du peloton du système d'enseignement public, va enfin procéder au paiement des frais de scolarité (lycées) non pas par la famille concernée mais par la collectivité.
     Ni l'enseignement européen (sans scolarité) ni le système bancaire islamique (sans système d'intérêt) n'ont à suivre les normes dictées par les États-Unis.

     La cherté des frais de scolarité des universités américaines renommées est décourageante (de 40 à 50 mille dollars par an, avec une licence en 4 ans). Les jeunes sans fortune ne pourront y accéder qu'avec une bonne bourse. Les meilleurs établissements sont pour les plus fortunés. Dans un film de Michael Moore, nombre d'étudiants américains sortent chargés de dette. Une pilote d'avion travaille, à mi-temps, à la caisse d'un supermarché. Un homme peine, sur le tard, à payer ses bourses. Un autre homme, endetté lourdement pendant la période de sa formation d'avocat, mord à tout petit litige.

     Les industries de guerre ne sont pas militaires mais civiles. La guerre embauche. La guerre, c'est du boulot aux États-Unis. Qui veut savoir quel sort attendait les jeunes pauvres, de futurs étudiants américains, en Iraq ou en Afghanistan, qu'il lise le livre extraordinaire Winter Soldier (Aaron Glantz, 2008).

     Yrie Akira, professeur émérite de l'université Harvard, tout à fait conscient de ces énormités perpétrées aux États-Unis (comment ne l'était-il pas ?), nous conseille de faire de sorte que l'enseignement dans les universités japonaises se fasse en langue anglaise.

     Il n'y a pas lieu de s'étonner qu'un pays où la langue dominante a favorisé la commercialisation plus poussée qu'ailleurs du savoir ou de techniques scientifiques ait produit plus de lauréats du prix Nobel d'économie, insititué en 1968 par la Banque de Suède, dont le concept est fondé sur l'utilitarisme avéré. Se le sont vu décerner Milton Friedman (1912-2006), Myron S. Scholes (1941 - ) et Robert Cox Merton (1944 - ). Ces économistes américains ne sont-ils pas plutôt aux antipodes des « personnes ayant apporté le plus grand bénéfice à l'humanité » (Alfred Nobel) ? (cf. Uzawa - Uchihashi 始まっている未来 hajimatte-iru mirai « L'avenir déjà engagé » Librairie Iwanami, 2009)  (Pause).

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Commentaires
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Merci, vous êtes une des rares personnes à apprécier mes écrits !<br /> Je continue.
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E
Salut à tous !<br /> Félicitation pour le blog et vos billets.<br /> C'est un réel bonheur de venir vous relire très souvent.<br /> A bientot :-)
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