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Philologie d'Orient et d'Occident
28 décembre 2010

Proust et la photographie (1)

Philologie d'Orient et d'Occident (91)
                               Le 28/12/2010, Tokyo        K.

            Proust et la photographie (1)      Proust (25)

     C'était en 1869, deux ans avant la naissance de Proust à Paris (Auteuil), que la mise en pratique de la photographie en couleurs, selon la technique rudimentaire de la trichromie fut simultanément réussie par deux Français : Charles Cros (1842-1888) et Louis Ducos du Hauron (1837-1920). C'était un aboutissement de l'art de fixer (convertir en négatifs) les images réelles et de les développer (exprimer). La technique de fixation des épreuves négatives avait été trouvée par Nicéphore Niepce (1765-1833) et Jacques Daguerre (1787-1851). Cette réussite de l'année 1869 constituait une grande étape pour la cinématographie dont la réalisation était préparée par l'Américain George Eastman (1854-1932), inventeur de l'appareil Kodak.

     Nadar (1820-1910), premier photographe commercial, profita de toutes ces inventions photographiques. Il commençait à publier un grand album (Panthéon Nadar, à partir de 1854) de portraits monochromes des célébrités de l'époque, y compris la mère de Marcel Proust (Nadar photographies, Paris, Arthur Hubschmid 1979, t. 1, p. 481). Le Proust adolescent de 16 ans, encore élève au lycée Condorcet, y était pris en photo en 1887 (op. cit., p. 482). Vivant l'époque de la pleine ascension de la photographie, il était fasciné par elle.
    Son enthousiasme quasi-fétichiste pour la photographie se constate dans la chronologie du professeur Philip Kolb mise en introduction au premier volume (1880-1895) de son grand recueil des lettres de Proust (Correspondance de Marcel Proust, Paris, Plon 1970-1993, 21 vols). Voici quelques notes sur l'échange de photographies :

     (1889) 18 février.  Jacques Bizet donne sa photographie à Marcel.
     (1893) 6 janvier.  (Marcel) donne sa photographie à Robert de Flers.
                3 juillet.  Marcel reçoit la photographie de Robert de Montesquiou.
     (1895) 7 janvier.  Robert de Billy donne sa photographie à Marcel.
     Dans le second tome 1896-1901 (1976),
    (1896) 27 juillet.  (Marcel) se fait photographier à la demande de Charles Mauras, qui va publier un compte rendu dans la Revue Encyclopédique.

     Selon Brunet (Le vocabulaire de Proust, Genève, Slatkine Champion, 1983, 2 vols), les allusions au terme photographie(s) dans À la recherche sont au nombre de 141, dont quelques-unes sont employées dans des cas extrêmement significatifs : les portraits figuraient en photos d'Odette, de Miss Sacripant (= Odette), de l'amie de Saint-Loup, de Mme de Guermantes et de bien d'autres. C'était sur la photo de feu son père que la fille sacrilège de Vinteuil, professeur de musique, permit à sa mauvaise amie de cracher.

     De l'amie de Saint-Loup, ami Guermantes du Narrateur : [...] il n'avait jamais voulu me montrer sa photographie, me disant : « D'abord ce n'est pas une beauté, et puis elle vient mal en photographie, ce sont des instantanés que j'ai faits moi-même avec mon Kodak et ils vous donneraient une fausse idée d'elle » (À la recherche du temps perdu, Gallimard « Bibliothèque de La Pléiade », 1954, t. 1, p. 783). On dirait que ces paroles ont été dites par un de nos contemporains.
     La photographie se révèle pour le lecteur du roman une petite clef chronologique, laissée par l'auteur, afin de dater les épisodes. L'antériorité relative d'Un Amour de Swann aux autres épisodes peut se deviner à partir de la présence, chez Swann marié avec Odette, d'un ancien daguerréotype au lieu de photographies récentes :

Swann avait dans sa chambre, au lieu de belles photographies qu'on faisait maintenant de sa femme, [...], un petit daguerréotype ancien tout simple, antérieur à ce type, et duquel la jeunesse et la beauté d'Odette, non encore trouvées par elle, semblaient absentes. (op. cit., t. 1, p. 617).

     Le Narrateur s'est avisé, à l'atelier du peintre Elstir, qu'il y avait quelque chose de commun entre l'aquarelle d'une travestie [= Odette de Crécy, future Mme Swann] au chapeau melon « sous lequel ses cheveux étaient bouffants » (op. cit., t. 1, p. 848) et l'ancien daguerréotype cher à Swann « où, sous un chapeau de paille [...], on voyait une maigre jeune femme assez laide, aux cheveux bouffants, aux traits tirés. » (ibid, p. 861). Swann le préférait aux autres photographies représentant sa belle épouse.

(À suivre)

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Commentaires
C
κῦδος pour M. Kudo !<br /> La dernière dizaine avant le centième post sur son blog !
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