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Philologie d'Orient et d'Occident
31 décembre 2019

Ἔκφρασις 2 (1)

Philologie d'Orient et d'Occident (445) Le 31/12/2019  Tokyo K.

κφρασις 2 (1)  -  L'hexamètre dactylique et une règle en hiatus

KIMG0227

(Maru-no-uchi, Tokyo, 18/12/, 2019 Photo Kyoko Kudo)

   À notre étonnement sur la présence, dans presque le même vers, de deux génitifs à désinences -ου et -οιο que nous supposons d'origine différente, notre savant ami Jean-Pierre Levet de Limoges, nous a répondu par un message bien sérieux corrigeant en détail notre supposition gratuite et superficielle sur le problème (cf. billet 444). Nous nous permettons de le reproduire avec sa permission dans le présent billet.

   Pour ce qui est de génitif en oio, l'étymologie est claire: < * -osyo (d'où sanskrit -asya). L'origine de la désinence ου est plus difficile à expliquer. Ou bien on a affaire à *-o-so avec une désinence *-so d'origine pronominale (-*o-so > *oho > oo, les deux o brefs fermés se contractant en un o long fermé noté ου fausse diphtongue), dans les dialectes où le o bref est resté ouvert, en dorien, on a un o ouvert long noté ω-; ou bien on pose un traitement de *-osyo différent de celui qui aboutit à oio (*osyo > *oyyo, puis *oiyo et enfin oio) avec un relâchement dialectal plus précoce de l'articulation de la sifflante [-s]: *-osyo > *ohyo > *oyo > oo, puis o long fermé ou ouvert (dorien) par contraction. Les deux hypothèses semblent possibles.

            - - - - - -

   Lors de la dernière lecture homérique de l'année (le 21/12/19), nous avons discuté de la scansion du vers 216 du chant XIX de l'Iliade. Pour ces séances du séminaire homérique, nous utilisons depuis 1983, l'édition d'Alexis Pierron (1869).

    Ὦ Ἀχι/λεῦ, Πη/λέος υἱ/ὲ, μέγα/ φέρτατ᾽ Ἀ/χαιῶν, (Iliade, XIX-216)

   (Oh, Achille, fils de Pélée, le plus brave des Achéens - tr. K.)

   Il y a une coupe principale trochaïque après Πηλῆος et deux coupes secondaires une trihémimère après Ἀχιλεῦ et une hephthémimère après υἷe. Cela pose deux problèmes. Le premier concerne la diphtongue υι. Elle représente une longue, mais cette longue est en hiatus devant ε au temps faible du troisième pied. Elle doit donc s'abréger pour la métrique.

   Le second concerne μέγα à lire μμέγα. Tu te souviens du traitement de la séquence initiale *sm- [cf. billet 434]. La sifflante [s-] s'est affaiblie, est devenue un souffle sourd *h, puis il s'est produit une métathèse > *mh; par assimilation régressive, la sonante m sonore s'est alors assourdie, puis s'est géminée > μμ (stade homérique archaïque). Cette géminée sourde s'est ensuite simplifiée, puis μ est redevenue sonore sur le modèle analogique des μ sonores d'origine (c'est-à-dire ne provenant pas d'une séquence *sm-). Au stade μμ (jamais écrit comme cela, mais toujours μ) une analogie s'est parfois produite pour affecter les sonores initiales, ce qui a entraîné leur gémination provisoire. C'est ce stade qui est attesté dans μέγα (< *meg-). Lde υἷe est donc long par position devant μμ.

   - - - - - -

   Nous avons bien reçu ton message sur la scansion du vers 216 du chant XIX. Au sujet des deux génitifs, ton interprétation est beaucoup plus détaillée, profonde et véridique que la nôtre. À propos, ton édition semble différer de celle de Pierron en 1869, dont le vers est non pas : Πη/λῆος υἱ/ὲ, μέγα/ φέρτατ᾽ Ἀ/χαιῶν, mais Πη/λέος υἱ/ὲ, μέγα/ φέρτατ᾽ Ἀ/χαιῶν. D'où sans doute, cette note de Pierron sur son Πη/λέος υἱ/ὲ:

   216. Πηλέος, dissyllabes [-λέος -serait donc une longue]. Barnes [Josué Barnes: helléniste anglais, 1654-1712] et d’autres écrivent, Πηλος. Avec cette leçon, υἱὲ compte comme ayant la première brève. Voyez la note VI-130 sur υός.

   Notre scansion du vers indiqué par Pierron serait:

    Οὐδὲ γὰρ/ ούδὲ Δρύ/αντος υὶ/ὸς κρατε/ρὸς Λυκό/οργος (Iliade VI-130).

    (Ni même le puissant Lycurgue, fils de Dryas - tr. K.)

   Que penses-tu de cette note de Pierron?  Ta réponse sera publiée dans le premier billet de 2020 car nous en avons déjà une partie que voici:

   Ta scansion du vers 130 du chant VI est tout à fait juste. Pour ce qui est du vers 216 du chant XIX, j'ai pris le texte de la collection des Universités de France (dite Budé). L'édition est de P. Mazon et P. Chantraine. Je t'enverrai bientôt une fiche pour expliquer mon choix. Dans un vers homérique, il y a deux coupes principales possibles: soit une penthémimère après la longue initiale du troisième pied, soit une trochaïque après une séquence formée d'une longue et d'une brève à l'initiale du même pied (une longue + une brève forment un trochée). (À suivre)

 

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