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Philologie d'Orient et d'Occident
19 novembre 2019

Ἔκφρασις (8)

Philologie d'Orient et d'Occident (442) Le 19/11/2019  Tokyo K.

κφρασις (8)  -  Les anciens Grecs, que mangeaient-ils? (5)

La garniture de la viande: - στος, λειαρ, λφι, εδαρ, νειαρ, ολαι et κρ

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Un marchand de fleurs et des clients (Tokyo, photo. K. 2019)

   Le chant XVIII de l'Iliade nous fait découvrir deux grands thèmes de l'œuvre: la fabrication de la nouvelle armure d'Achille, dérobée par Hector, premier héros troyen, qui venait de maîtriser Patrocle à qui Achille avait prêté ses armes, ainsi que la description (κφρασις) du bouclier fabuleusement décoré, achevé par le dieu forgeron Vulcain. Contournant ces grands sujets du chant XVIII, nous sommes intéressés au thème secondaire des éléments du repas de l'époque héroïque: les noms de mets non carnés qui avaient pour fonction d'accompagner la chair animale.

   Voici une dizaine de mots, garnitures de mets principal que nous avons pu recueillir au cour de notre lecture homérique; βρῶσις "nourriture" (Il, XIX-210, < onomatopéique ? < βιβρώσκω; "dévorer, engloutir"); στος "blé, farine de blé" ; λειαρ "farine de froment" ; λφιτον "farine d'orge"; λφι "gruau surtout d'orge"; (...) λφιτα "aliments préparés avec de la farine d'orge"; εἴδατα ; sing. εἶδαρ "nourriture"; ὄνειαρ; pl. ὄνειατα "utilité, profit, nourriture"); οὐλαι "grains d'orge" ; ολοχυται "grains d'orge (pour des sacrifices)". Le dernier terme serait composé de ολαι et de χέω "verser, répandre" ; enfin, κρ"orge" dont l'origine n'est pas claire.

   λφιτον; λφι; λφιτα ont une racine évidente: λφι "gruau d'orge". Les quatre mots: εδατα; sing. εδαρ "nourriture"; νειαρ ; pl. νειατα "utilité, profit, nourriture" ne proviennent que de deux origines (εδαρ < ἔδω "manger" et νειαρ); ολοχυται "grains d'orge (pour des sacrifices) est composé de deux éléments, dont l'un (χέω) n'est pas un substantif mais un verbe.

   Cette simplification en vue d'analyse étymologique réduit cette dizaine de mots à six: στος "blé, farine de blé"; λφι "gruau d'orge"; εδαρ "nourriture";νειαρ "utilité, profit, nourriture"; ολαι  "grain d'orge pour sacrifice ?" et l'énigmatique κρ"orge".  Or, dans ce groupe de ces six substantifs, deux mots semblent se distinguer. Ces mots n'ont pas pour origine un nom désignant des séréales. L'origine de εδαρ "nourriture" ne serait que ἔδω "manger", également partie d'un composé ἐδωδή "ce qu'on mange; ce qui se mange; nourriture". L'autre anomalie du groupe est νειαρ (pl. νειατα "utilité, profit, nourriture"). Alors que εδαρ est pertinemment conçu comme dérivé du verbe ἔδω "manger", on ne connaît rien de certain sur l'origine du substantif νειαρ. Compris souvent comme "nourriture, garniture du mets principal", on ne sait même pas s'il appartient dès l'origine au vocabulaire culinaire. L'étymologie suppose pour ce mot, le verbe ὀνίνημι "être utile, avantageux". Ce qui justifie parfaitement un de ses sens "utile, utilité, avantageux, préférable" mais plus difficilement qu'il désigne la nourriture.

   Nouvellement doté des armes nécessaires pour venger son ami Patrocle, Achille convoque l'assemblée où Agamemnon se repent d'avoir enlevé Briséis, la captive chère aux deux héros grecs, origine de haine et d'animosité entre les deux. Haranguant ses compatriotes pour les lancer aux combats, Achille reconnaît ses torts à son tour.

          - - - - - -

    Τοῖσι δ᾽ ἀνιστάμενος μετέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·  (- parmi eux, se levant, parla Achille aux pieds rapides,) Ἀτρεΐδη ἦ ἄρ τι τόδ᾽ ἀμφοτέροισιν ρειον ἔπλετο   (Il. XIX-56) (- Atride, était-il donc avantageux, pour nous deux?) σοὶ καὶ ἐμοί, ὅ τε νῶΐ περ ἀχνυμένω κῆρ ( - À toi et à moi, à nous deux, cela au cœur même affligé) (tr, selon Eugène Lasserre, Flammarion, 1965)

   Or, l'auteur de notre édition (éd. Alexis Pierron, 1869), a laissé au sujet de ces trois vers (55-57), et surtout du mot final ρειον du vers 56 la note suivante.

   56 - Ἄρ τι, aliquo certe modo, c'est-à-dire omnino: tout à fait. D'autres lisent, ἄρτι: nuper, naguère. - Τόδ(ε), ceci: ce que nous faisons en ce moment. Ἄρειον, préférable. Le texte de Marseille donnait le mot ordinaire ἄμεινον [meilleur]. Le texte de Chios avait une variante plus forte: ὄνειαρ, bona res.

   Ce qui attire notre attention est le dernier mot ρειον (n. nominatif. sing.de ρείων "plus brave, meilleur") qui connaît plusieurs variantes. La plus remarquable à nos yeux est celle de Chios, où la légende raconte que l'aède aurait vécu une certaine période de sa jeunesse, ὄνειαρ, bona res "bonne chose"Qu'est ce que c'était en réalité? Nous espérons trouver une solution dans le prochain billet. (À suivre)

 

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