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Philologie d'Orient et d'Occident
11 septembre 2017

Un tour de l'Ouest de la France (10)

           Philologie d'Orient et d'Occident (385) Le 12/09/2017 Tokyo K.                      

Un tour de l'Ouest de la France (10) :

Trois ports : Nantes, La Rochelle et Bordeaux

Les Nairac et Marat

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Nora par Misao Wada (cousu main)

 

   Un cycliste, même sexagénaire, pourra parcourir en deux heures les 40 km de chemin vicinal qui relient Fontenay-le-Comte (cf. billet 381) à La Rochelle. Située au sud-ouest de Fontenay, La Rochelle, à 120 km au sud de Nantes et à 150 km au nord de Bordeaux, est actuellement le plus grand port de plaisance de l'Europe. Nantes, La Rochelle et Bordeaux, alignées le long de la côte Atlantique presque sur le même méridien, ont en commun d'avoir trempé dans la traite négrière.

   Dans les manuels scolaires d'histoire au Japon, Nantes est seulement connue pour les deux textes à effets opposés: l'un fut l'édit promulgué en 1598 par Henri IV, protestant converti au catholicisme. On voulut mettre fin à la guerre civile, en accordant les droits du culte aux protestants. Il s'agissait d'un édit de pacification. L'autre est la Révocation de l'édit de Nantes signée en 1685 à Fontainebleau par Louis XIV, petit-fils de Henri IV. Selon Wikipédia, l'abrogation de l'édit eut pour conséquence de voir fuir du royaume 200 000 réformés sur 800 000, à savoir un sur quatre. C'était un édit d'expulsion.

   Cette contre-mesure de l'édit de Nantes avait été préparée bien avant, en 1629, par la révocation des clauses militaires qui permettaient aux protestants de s'armer pour se défendre. Le durcissement du côté catholique était déjà conçu, au temps de Louis XIII, par le cardinal Richelieu, faisant suite au siège 1627-28 qu'il organisa contre La Rochelle, ville protestante. Richelieu voulait que le royaume fût épuré du protestantisme.

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   Or, Louis XIII, lorsqu'on lui évoqua le projet de recourir à des hommes de peine Africains pour son royaume, aurait montré quelque réticence: Quand on proposa d'importer des Africains dans l'Empire français, Louis XIII est censé avoir pâli et déclaré que le territoire français ne pouvait connaître l'esclavage. Mais on le persuada qu'en ôtant ces malheureux au paganisme, les négriers les convertiraient à la religion du Christ. (Hugh Thomas, 1997, La Traite des Noirs, traduit de l'anglais, Robert Laffont, 2006, p. 470). Suivie d'une mesure effective, la réserve du roi aurait pu être salutaire, car l'idée archaïque de recourir à l'esclavage n'avait pas cours chez lui. Sur son lit de mort, le roi aurait dit: les sauvages qui seront convertis à la foi chrétienne et en feront profession seront censés et reportés naturels français, capables de toutes les charges, honneurs, successions et donations (d'un Français) (ibid.).

   Au XVIIe siècle, il en fut comme le roi l'avait souhaité. Le changement radical ne s'observa qu'au siècle suivant, lorsqu'on s'est lancé dans le commerce dit "triangulaire" des marchandises humaines entre trois continents: Europe, Afrique et Amériques.

   Un esclave s'achetait rarement comptant (la monnaie d'échange étant les cauris: ces coquillage d'origine asiatique) mais en échange de divers articles: toiles, alcool, barres de fer, colliers de verre, poudre à canon, fusils etc. Le commerce triangulaire eut pour résultat d'accélérer rapidement l'industrialisation des villes de port comme leurs arrière-pays. Ce trafic inhumain leur apportait de petits conforts tout humains ainsi que de l'aisance de la vie: produits de plantation: sucre, café, indigo, coton, tabac etc., et mains-d'œuvre serviles en tout genre.

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   À Nantes, presque tous les négriers étaient catholiques. À Bordeaux, quelques juifs ont participé à la traite des noirs (Hugh Thomas, ibid. p. 260). Mais "À La Rochelle, les trafiquants étaient en majorité des huguenots [dont Jean-Baptiste Nairac, frère cadet de Pierre-Paul Nairac] (ibid. p. 309).

   Les Nairac sont une famille protestante, originaire de Castres en Languedoc. Pierre-Paul Nairac (1732-1812) fut le plus gros esclavagiste de Bordeaux (ibid. p. 311), le plus gros négrier de la ville (ibid. p. 486). Ce principal marchand négrier de Bordeaux payait les plus lourds impôts de la ville en 1777 (ibid. p. 296). Ce magnat négrier contribuait ainsi au Trésor d'État. Son protestantisme ne l'a nullement empêché de siéger aux États généraux avant et pendant la Révolution.

   Selon Hugh Thomas, Pierre-Paul Nairac dans les années 1760 choisit pour son fils un jeune précepteur lettré, Jean-Paul Marat, figure éminemment sinistre de la Révolution. (cf. ibid. p. 486)  (À suivre)

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