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Philologie d'Orient et d'Occident
5 juillet 2016

Approximations pronominales (2)

Philologie d'Orient et d'Occident (354)

                                                                   Le 05/07  2016   Tokyo    K.

Quelques correspondances et approximations pronominales (2)

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Zinnia (2) par Misao Wada (cousu main)

 

   Jusqu'à maintenant dans notre blog, une quinzaine, voire une vingtaine de mots ont été présentés pour évoquer une correspondance éventuelle entre le chinois ancien et le grec. Trop peu pour établir un lien génétique, dira-t-on. Effectivement, il s'agit d'une goutte d'eau dans la mer immense des dizaines de milliers de mots chinois.

   Quelques ressemblances morpho-sémantiques entre l'indo-européen et le chinois sont pourtant impressionnantes. Telles, -dō- (hittite -"prendre", dō- "donner" dans l'ensemble de l'indo-européen, selon Benveniste 1969, Institutions t.1) en face du chinois 受・授 "recevoir, accorder": dhiog (> shòu en pékinois moderne, cf. billet 12), et τίω "récompenser, respecter" (radical indo-européen kwei-.cf. billet 347), en face du mot de la haute antiquité: 敬 kıĕng "respect, respecter" (selon Tôdô 1978), semblent avoir été liées dans des temps plus anciens.

    受 "recevoir" et 授 "accorder" ont suivi le même modèle d'évolution phonétique, avec la même prononciation à chaque étape, tous les deux. Ce qui différencie 受 "recevoir" de 授 "accorder", c'est seulement l'élément扌"main" apposé à gauche de 受.

   On sait qu'en chinois ancien, les vocaliques i, ı, u, dites d'intervention, n'étant pas de vraies voyelles, ont servi à étoffer la voyelle de nœud en s'en mêlant. Il y a lieu de croire également que le consonantisme final: -(n)g, n'est pas présent dès l'origine. Ce qui fait que dhiog "recevoir, décerner" eût été, au début, dho-; kıĕng, kĕ-. C'est donc à *dho- ainsi qu'à *kĕ- chinois qu'il faut comparer les indo-européens: *dā-- et *kwei-.

   - - - - - -

   On veut y ajouter encore quelques mots chinois, qui, dans leur allure, nous invitent à voir un lien avec l'indo-européen. On sait que dans bien des langues orientales dont le chinois et le japonais, les deux phonèmes l et r, bien distincts dans les langues occidentales, ne font qu'un phonème. En japonais noté en alphabet, on a eu recours à r pour représenter les deux liquides, alors qu'en chinois, on se rabat ordinairement sur l.

    C'est dans ces conditions qu'il faut interpréter l'ancien chinois transcrit en alphabet.

                       haute antiquité       antiquité         grec - sanskrit - latin

  "cours, couler"  lıog (*lo)-             lıǝu (*lǝ-):       ῥέω  (ie. *sreu- "couler, cours")

  "loi, norme"      lıuǝt (*lǝt-)           lıuĕt (*lĕt-):     ῥυθμός  (ie. *sreu- "cours régulier")

  "cercle, rond"   lıuǝn (*lǝ-)            lıuĕn (*lĕ-):     lat. rotundus "rond", (?) rota "roue" (?)

                                                                               skr.ratha-"char"
  - - - - - - -                                                                  

  "char, roue"     k'iăg (*khă-)          tch'ıă (*tchă):  skr. cakra- [tchacra] "roue, disque"

   On peut continuer à chercher à l'infini d'autres possibilités de correspondance lexicale entre le chinois ancien et l'indo-européen. Mais le critère de comparaison, bien aléatoire et subjectif, nous semble manquer de rigueur scientifique. Il faut chercher d'autres voies de comparaison plus conséquentes.

    - - - - - -

   À la suite de notre billet (353) focalisé sur le pronom personnel chinois de la première personne du singulier  nga-, Jean-Pierre Levet (cf. sa dernière référence, billet 352) nous a fait parvenir la communication suivante:   [Notes: h1 = laryngale à coloration vocalique en e; h2 = en a; h3 = en o.  cf. billet 5]

   Le contenu de ton blog est toujours passionnant. L'origine de aham et de egô fait apparaître deux étymons différents, *h1egh2-om pour aham et *h1egoh2 pour ego du grec et du latin. On voit habituellement dans ces deux étymons des agglutinations différentes de particules, *h1e, *g, *h2, *om, *oh2, avec un découpage incertain dans le détail. Cela peut aller tout à fait dans le sens de ton rapprochement avec le chinois.

   Les cinq particules qu'il a posées: *h1e, *g, *h2, *om, *oh2 pourraient se grouper en plusieurs unités de combinaison (*h1e- et *gh2om/*goh2 ou *h1eg- et *h2om / oh2). Elles ne manquent pas de nous rappeler la structure du pronom personnel japonais en quatre syllabes: wa-ta-ku-shi "je, moi; le privé", contrepartie de oh-ya-ke "grande maison; le public", dont l'élément wa seul suffit pour la fonction du pronom personnel. On peut se demander, pour l'indo-européen et le japonais, d'où vient qu'on ait formé le pronom de la première personne du singulier à partir d'une pléthore de particules. (À suivre)

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