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Philologie d'Orient et d'Occident
29 septembre 2015

«Je suis Charlie» dérive

Philologie d'Orient et d'Occident (334)

         «Je suis Charlie» dérive          Le 29/09/2015     Tokyo  K.

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Fraises par Misao Wada (cousu main)

   Publiés à l'occasion des démonstrations pour la liberté d'expression en France, mes billets (314, 316) intitulés «Suis-je Charlie?» ont suscité chez un intellectuel français plusieurs commentaires. La discussion s'est dévoyée du sujet qu'on s'était posé, focalisée sur la définition du terrorisme. Après plusieurs mois de repos, je me suis permis, le 11/09, de citer à ce sujet le propos suivant de Jacques Julliard:

   La Terreur a été inventée à la fin du XVIIIe siècle par la Révolution française. Le 5 septembre 1793, la terreur est mise à l’ordre du jour. Officiellement. Pour intimider les ennemis de la nation […] Les tartufes de l’islamisme radical ne parlent pas autrement. La terreur, c’est la peur instrumentalisée, érigée en système de gouvernement. La décapitation a été inventée comme système d’exécution des condamnés par la Révolution française, encore elle. […] On a rationalisé la décapitation, qui se faisait, autrefois, pour les nobles à la hache : ce fut l’invention de la guillotine. Sous la Révolution, ses victimes se comptent en dizaines de milliers. Elle a mêlé dans le même bain de sang, innocents et coupables. Comme l’État islamique, elle a transformé les exécutions en grands spectacles à des fins de propagande. (Marianne, le 03/10, 2014)

   Un vieil ami, Guillaume Marsault, professeur d'histoire en Guadeloupe, a aussitôt réagi:

   Jacques Julliard qui a commencé comme historien brillant réalisant la biographie de l'anarcho-syndicaliste Fernand Pelloutier, spécialiste de l'Histoire du XXe siècle et devenu réactionnaire, se permet de réécrire l'Histoire d'une période dont il n'est absolument pas spécialiste. C'est navrant d'instrumentaliser l'Histoire à des fins politiques et idéologiques. Il n'est malheureusement pas le premier...  (le 12/09, 2015)

  (Et K. de répondre): Et alors? Qu'il ait été anticolonialiste, socialiste ou communiste ou qu'il ait commencé sa carrière d'historien par une brillante thèse sur le syndicaliste de la dernière moitié du XIXe siècle, je m'en fous. Ce qui m'importe, c'est qu'un agrégé d'Histoire et ancien collaborateur du Nouvel Obs auquel j'ai longtemps adhéré, dit que la Terreur est une invention de la Révolution française. Son idée est conforme à la définition historique du terrorisme dans le Petit Robert (éd. 1993).

   (G. M): Un agrégé d'histoire n'est pas un historien. Un historien est celui qui se spécialise et obtient une thèse pour devenir docteur. Il est docteur en histoire du XXe siècle, pas du XVIIIe. Ce qu'il dit de la Révolution est un tissu de mensonges et de bêtises : il n'a aucune compétence pour en parler. Tout historien sérieux de la période n'oserait jamais parler ainsi de la Terreur. Et le Petit Robert n'est pas un livre d'Histoire, c'est un petit dictionnaire. Rien de plus. On est loin du niveau de vos articles.

  (K.): Selon vous, J. Julliard, auquel je préférais Jean Daniel comme commentateur, est un historien, puisqu'il est docteur en histoire, mais il n'est pas historien de la Révolution. D'accord. Pour moi, l'historien (docteur ou pas, car tous les diplômes universitaires sont d'un système tout à fait récent) est auteur d'ouvrages d'histoire plutôt que spécialiste des études historiques. Comment peut-on qualifier autrement que d'historiens Jules Michelet et Alexis de Tocqueville, lorsqu'ils sont auteurs de grands ouvrages sur la Révolution? Homme modeste, ce dernier disait, au lieu de s'acharner contre la Terreur, que la France aurait bien pu se passer de la Révolution.

   (G. M.): Michelet et Tocqueville étaient des géants de leur époque. Ils ont fait avancer les sciences humaines et en plus étaient spécialistes de la Révolution Française. Comparer le nain opportuniste Julliard avec ces deux géants me paraît insensé.
Maintenant Tocqueville et Michelet sont des hommes du XIXe siècle et leur vision de l'Histoire a été très fortement réévaluée depuis. L'historiographie actuelle de la Révolution française, ce sont des historiens comme Jean-Clément Martin. "Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants" écrivait Bernard de Chartres. Les prises de position de Julliard prennent leurs sources dans le courant historiographique dépassé des libéraux contre-révolutionnaires qui n'ont eu de cesse de noircir la période 1792-1794, qui est totalement réhabilitée depuis trois décennies dans les écrits les plus récents
(Le 14/09, 2015). (Fin pour ce sujet)

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