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Philologie d'Orient et d'Occident
23 juin 2015

Repenser Charlie Hebdo (3)

Philologie d'Orient et d'Occident (327)

Le 23/06/2015   Tokyo   K.   Repenser Charlie Hebdo (3)

Le Japon absent de la manif du 11 janvier

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Bannière étoilée selon Misao Wada (cousu main)

 

   Peu après la manifestation gigantesque à Paris à l'occasion de l'attentat Charlie Hebdo, j'ai lu par hasard sur la Toile une opinion émise par la responsable du pôle Asie (de la Fondation pour la Recherche Stratégique) sur l'absence de représentant des trois pays asiatiques de la manifestation parisienne (Valérie Niquet "Je suis Charlie" Pourquoi l'Asie est indifférente? Marianne, le 15/01):

    (...) Pourtant, ni le Japon, ni l'Inde, ni la Chine, les trois plus grandes puissances asiatiques n'ont jugé bon, ou nécessaire, d'envoyer un représentant pour se joindre à la cinquantaine [de] chefs d'Etat et de gouvernement qui ont défilé Boulevard Voltaire le 11 janvier. (...) Le cas du Japon est plus curieux. Comme si Tokyo, pourtant membre à part entière du « camp occidental », avec qui il partage les mêmes valeurs, souvent mises en avant pour mieux fédérer « l’arc démocratique » contre la menace chinoise, ne pouvait s'extraire de son particularisme, de ce repli sur soi qui fait à la fois la force - en préservant sa cohésion mais aussi la faiblesse de l'archipel.

       Le prix à payer pour cet isolationnisme, cette difficulté à comprendre la dimension du défi auxquelles la démocratie est confrontée, c’est en retour un déficit d’empathie de la part de l’Occident pour les enjeux stratégiques considérables auxquels le Japon est lui-même confronté. (...)

       On doit regretter ces trois absences, celle de la Chine, celle du Japon et celle de l’Inde, (...), elles viennent un peu plus démontrer que la défense viscérale des valeurs humanistes est encore l'apanage du monde qui les a vu naître ; et d'abord de cette France qui - particulièrement aux yeux de l’Asie - semblait peser si peu sur la scène internationale. De ceci, nous devons être fiers.

     - - - - - - - - - - - - - - - -

       Je me demande si cette adhérente aux valeurs humanistes maintient toujours ce qu'elle a dit voilà cinq mois. Deux interrogations s'imposent: quelques-uns, voire, plusieurs hommes d'État étrangers bombant le torse au premier rang du défilé ne partagent pas avec leur sens approximatif de la "liberté d'expression" nos valeurs humanistes: que faisaient-ils sous cette pancarte? Et que signifiait l'acte du président de la République qui s'est identifié avec Charlie, c'est-à-dire, qui a identifié la France avec l'hebdomadaire?

       Mon avis ne s'écarte pas de celui d'Yves Roucaute: En France, «Je suis Charlie» est possible, voilà le droit à la liberté. Mais la France ne doit pas être Charlie, voilà le point de vue de la responsabilité (cf. billet 326).

       Quelle que fût la connotation de revendication de la pancarte, je ne regrette pas l'absence de représentant de notre pays à la manif. Car ni la France ni le Japon ne peuvent être identifiables avec Charlie.

       L'opinion montrée par l'analyste militaire de l'Asie ne me laisse pas de craindre «un déficit d’empathie de la part de l’Orient pour les enjeux stratégiques auxquelles serait bientôt confrontée la France». Je crains même que sa vision de la démocratie, loin d'être un motif de fierté, ne soit une cause du recul de ce pays athée dans un monde, pour une grande majorité, croyant.

       Le grand mouvement de dérive, concomitant à la guerre d'Irak depuis 2003, mal entamée et bâclée, continue toujours et partout de semer l'horreur et la désolation. Pour parer aux raz-de-marée qui vont emporter avec le changement de valeurs notre société elle-même, on ferait mieux de méditer sur ce qui fut au lieu de s'effrayer de ce qui est.

      Du double massacre de janvier, il est resurgi, (...), deux problématiques séculaires d'Occident : l'islamophobie et l'antisémitisme (cf. billet 317). Ces tares occidentales ne sont pas anciennes mais modernes, voire de création récente. Le mot «laïcité» (< λαϊκός "du peuple"), notion plus ou moins contrepartie de ces deux défauts, ne serait entré dans l'usage que dès la dernière moitié du XIXe siècle. Cette idée, née pour ménager le pouvoir religieux et le civil, ne serait généralisable que dans une vieille société telle que la France dont l'histoire connaît déjà de nombreux démêlés et compromis entre les deux autorités. (À suivre)

 

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