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Philologie d'Orient et d'Occident
2 septembre 2014

L'empire du Japon (20) - L'origine du japonais

Philologie d'Orient et d'Occident (295)

Le 02/09/2014 Tokyo  K.     L'empire du Japon: son essor et ses limites (20)

La provenance de la langue japonaise et la suite à l'escroquerie de Koshi

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Un duo de sayori, poisson-couteau, par Misao Wada

   De la présence d'interprète entre l'ambassadeur nippon et l'Accueil chinois au début du VIIe siècle (cf. billet 292) et de l'absence de truchement entre les Coréens du nord et les Japonais du centre au VIe siècle (cf. billet 293), il ne sort aucune conclusion qui puisse éclaircir le rapport entre les trois langues: chinois, coréen du nord et japonais. On pourrait dire seulement ceci: le rapport entre l'ancien coréen (langue toungouse de Koguryeo 高句麗) et l'ancien japonais du centre semble beaucoup plus profond qu'entre le chinois et le japonais.  

   Dans la péninsule empiétant sur la Manchourie étaient en usage plusieurs langues. J'ose dire que l'ancien japonais du centre était tout spécialement lié avec le coréen de Koguryeo qui est censé être provenu de la langue toungouse de Buyeo 扶余, maintenant éteinte.

   L'hypothèse de Kim Kon-cil qui situa la séparation de l'ancien coréen et de l'ancien japonais entre le premier et le troisième siècle (cf. billet 294), fort intéressante, ne semble pourtant pas être fondée sur des bases concrètes, tangibles. L'Asie du nord-est manque de documents sûrs, comparables aux langues classiques (latin, grec, sanskrit, gotique, vieux slave, etc.) qui peuvent lier les langues modernes d'Occident avec le proto-indo-européen. Pour l'origine du japonais, il faut se frayer une voie autre que linguistique. 

   L'auteur de l'escroquerie (cf. billet 293) est appelé dans la version japonaise du Nihon-shoki: Michi-no-Kimi 道君 (Nihon-shoki, Tokyo, Iwanami-bunko, 1994, vol. 3, p. 344). Il ne s'agit pas d'un nom propre mais d'un nom commun ou d'un surnom qui voulait dire «princede la route 道». Cela pourrait rappeler l'expression «bandit de grand chemin» qu'il incarnait tout à fait.

   Ce prince sans scrupule cachait à la cour l'arrivée de la mission coréenne ainsi que le fait qu'il l'avait dévalisée. Un autre gentilhomme du pays de Koshi, Enu-no-omi Moshiro (ibid. p. 342), révéla le crime commis par son compatriote à l'empereur Kinmei, lorsqu'il s'était rendu dans une des résidences de celui-ci.

   L'empereur, comme s'il s'était attendu aux méfaits du Prince de (grand) chemin, ne se mit point en colère, se contentant seulement d'émettre un édit pour l'accueil des Coréens: construire une nouvelle résidence pour étrangers et envoyer auprès d'eux son Cuisinier Katabuko pour qu'ils ne manquent de rien (cf. billet 293). On connaît la suite. L'absence de poursuite judiciaire contre le gentilhomme détrousseur est bien étrange.

   Selon le Nihon-shoki (publié en 720), cette affaire s'est produite en 571, la dernière année du règne Kinmei. Il fallait donc qu'il passe beaucoup d'eau sous les ponts avant que le chroniqueur se mette à décrire le fait avec la langue de son temps. Il fit employer à Enu-no-omi Moshiro, gentilhomme sycophante, le néologisme Kohori-no Miyatsuko 郡司 «gouverneur du canton» (ibid. vol. 3, p. 342) pour désigner Michi-no Kimi «prince du pays». Or, le mot Kohori-no Miyatsuko n'existait pas encore au VIe siècle. Il fallait attendre, pour qu'apparaisse ce terme, le milieu du VIIe siècle où les grandes réformes du régime impérial ont été faites par l'empereur Tenchi (cf. billet 287).

   Une centaine d'années après l'affaire de Koshi, en 668, l'empereur Tenchi eut une femme Koshi-no Michi-no Kimi-no Iratsume (ibid. 1995, vol. 5, p. 44). Il s'agit d'une descendante de la famille du gentilhomme escroc de Koshi. La famille du détrousseur survécut donc sans se souiller à l'opprobre et elle put marier une des filles à l'empereur !

   Le chroniqueur, omniscient, n'avait-il pas employé le mot Kohori-no Miyatsuko «gouverneur du canton» pour ne pas déshonorer rétrospectivement la famille du fameux Michi-no Kimi «prince de grand chemin» d'où est issue l'épouse impériale ? L'idée «bandit» pour Michi-no Kimi n'aura pas été mal imaginée.

   Pour le message rédigé à l'encre noire dans des plumes de corbeau (cf. billet 294), l'incomparable Tsuda Sôkichi (cf. billet 272) dit: «Ce passage est évidemment faux. Il s'agirait du reflet d'une idée très répandue que le chinois était difficile à comprendre» (Œuvres complètes, Tokyo, Iwanami, 1963, vol. 2, p. 84). (À suivre)

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