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Philologie d'Orient et d'Occident
20 mai 2014

L'empire du Japon - Le déclin de l'archéologie au Japon

Philologie d'Orient et d'Occident (280)

                                        Le 20/05/2014        Tokyo    K.

L'empire du Japon: son essor et ses limites (5)

Le déclin de l'archéologie au Japon

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Cacique ou Caïd ? par Misao Wada (cousu main)

   Malgré le scandale tonitruant que provoqua la révélation de la tricherie F. en novembre 2000 (cf. billet 279), la Société japonaise d'Archéologie avait la peau dure. Faisant peser sur F. toutes les responsabilités de l'affaire, les pontifes de la Société se retiraient en douce de la scène, ne perdant pour autant aucun des privilèges que conféraient leurs fonctions.

   Parmi eux, Sahara Makoto (1932-2001), directeur du Musée national de l'Ethnographie historique (dépt. Chiba) et auteur de «La Naissance du peuple japonais» (Tokyo, Shôgakkan, 1987), premier volume de la collection de vulgarisation Histoire du Japon en 15 volumes, a impunément et même honorablement survécu à l'affaire. Dans son ouvrage il avait tancé nommément et vertement M. Oda Shizuo (1942-, ibid, p. 74-75, édition de poche 1992), contestataire tenace de l'authenticité des outils de pierre dénichés par l'imposteur. Résultat: l'image de la Société s'est irrémédiablement dégradée. Il aura passé de l'eau sous les ponts avant qu'elle ne s'en remette.

   Dans mes trois billets les plus récents, je me suis un peu écarté de la grande ligne que je m'étais imposée: l'essor de l'Empire du Japon et ses limites, vus du point de vue du Nord de l'archipel. L'affaire F. dont je viens de faire un petit récit dans le dernier billet a montré que le groupe d'anthropologues-archéologues nippons était principalement composé d'amateurs à tendances diverses.

   La recherche était souvent menée dès l'époque Édo sans l'aide du Bakufu. Cette situation, après la Restauration, s'est maintenue cahin-caha dans l'indifférence relative des ministères jusqu'à la fin de la guerre du Pacifique. Il n'est donc pas étonnant que dans ces conditions, les étrangers qui pouvaient voir l'état arriéré de la science: missionnaires ou enseignants invités alors au Japon tels que John Batchelor, missionnaire aïnologue, (1854-1944, cf. billet 267), Basil Hall Chamberlain, philologue anglais (1850-1935, cf. billet 190) ou Edward S. Morse, zoologue américain (1838-1925), aient pris le Japon pour un pays de cocagne qui abondait en trouvailles archéologiques.

   D'autre part, pour forger une nouvelle vision de l'Asie de l'est, le gouvernement japonais qui se rendait compte de l'importance de l'anthropologie-archéologie, essayait de pallier sa carence en instituant, un peu au hasard et en fonction des occasions qui pouvaient se présenter, de petites structures dans ses universités d'État. Les deux universités impériales de Tokyo et de Kyoto ont été aussitôt rejointes par cinq autres: (du nord au sud) Hokkai-dô, Tôhoku, Nagoya, Ôsaka, Kyûshû.

   Étriquées dans leur conception, adaptées d'abord à de menues nécessités pratiques, pédagogiques et locales, elles étaient loin d'être scientifiquement opérationnelles. Elles n'avaient pas réussi à se donner la portée universelle que leurs homologues d'Europe ont toujours visée.

   Le département d'Anthropologie de l'université impériale de Tokyo était alors un curieux camp de touche-à-tout: médecins, ingénieurs agronomes, physiologistes botanistes, plutôt statisticiens qu'anthropologues, ou philosophes à tendance scientifique. C'est là que le jeune Torii avait débarqué comme apprenti bibliothécaire, sans être muni d'aucun diplôme ni même de brevet d'école primaire, seulement appuyé par l'anthropologue influent de l'époque (car il était professeur à l'université impériale de Tokyo) Tsuboï Shôgorô (1863-1913).

  S'accrochant à une petite légende aïnou, son maître Tsuboï professait en substance: la première race d'hommes qui a occupé le Japon, était petite, difforme, barbare et habitait les cavernes. Elle ne ressemblait en rien, ni aux Aïnou, ni aux Japonais actuels. [...] C'était ce que nous appelons la race humaine des Koro-pok-Kourou (hommes des cavernes)» (Torii Ryûzô, Les aïnou des îles Kouriles, Faculté de Science, Université impériale de Tokyo, 1919, p. 125). Son adversaire, Koganei Ryôsei (1859-1944), professeur de la Faculté de médecine, anthropologue anatomiste, refusait absolument toute valeur à cette légende et aussi aux opinions du Professeur S. Tsuboï (ibid. p. 128), et soutenait que c'était cette race (sic) Aïnou qui constituait la base du peuplement Jômon de l'archipel.

   C'était dans la rivalité sauvage mais salutaire entre ces deux grands que Torii Ryûzô, rejetant la thèse de son propre maître, est arrivé à donner corps à sa propre idée sur les Aïnou des Kouriles, expatriés de l'archipel 3000 BP. (À suivre)

 

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