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Philologie d'Orient et d'Occident
15 avril 2014

Le N-E et l'Empire (7) - Étymo. Urup (2)

Philologie d'Orient et d'Occident (275)                   

                                  Le  15/04/2014          Tokyo    K.

Mode d'accès à une étymologie non-aïnou  -  Urup (2)

 Le nord-est et l'empire (7)

001112

Tulipes par Misao Wada

    Longtemps dans ces billets, j'ai tourné autour du nom d'une des îles Kouriles: Urup (en anglais) / Ouroup (en français), sans être capable d'en trouver une bonne étymologie. Peine perdue? Sans doute. Ma manière de travailler consiste à me rendre là où s'orientent les intérêts du moment plutôt qu'à me précipiter en droite ligne vers là où se trouverait une réponse. Lentement j'ai appris bien des choses qui cernaient le problème.

   Par sa facilité même, l'étymologie traditionnelle "truite" ne me convainc pas. Elle a été pourtant soutenue par plusieurs experts du pays: Mogami Tokunaï le commis voyageur, Yoshida Tôgo le toponymiste de Meiji, Torii Ryûzô l'archéologue, Chiri Mashiho l'aïnologue, John Batchelor le missionnaire (cf. billets 264-267).

   Mais affirmer que Urup vient du nom de poissons foisonnant autour de l'île me semble revenir à dire quelque chose comme: le nom de la ville de Tulle vient du tissu (de Tulle), celui de Cognac ainsi que de Champagne, de l'eau de vie et du vin mousseux (cf. billets 265, 267). L'étymologie, sans issue, tourne sur elle-même. La vérité (τυμος) du nom de l'île Urup / Ouroup ne serait-elle pas ailleurs?

   Sur les sept grandes îles des Kouriles présentées dans le Petit Atlas du monde (The Concise Atlas of the World, Londres, Times Books Limited, 1986, p. 51), les deux grandes: Urup et Iturup (Uruppu et Etorofu en japonais) se distinguent, par la grandeur et l'appellation particulière, des cinq autres: Paramushir, Onekotan, Shiashkotan, Simushir et Kunashir. Ces cinq dernières s'expliquent toutes en aïnou (cf. billet 265). Ce n'est pas le cas des deux premières.

   Pas d'équation urup = truite dans le grand dictionnaire (1964) de Hattori Shirô où les termes aïnou pour «truite» sont représentés en: 'icaniw, 'icanuy, (h)emoy, sakipe, sakcep, isa'uhceh (Sakhaline) (p. 191). Pour «saumon» non plus, présenté en: kamuycep "poisson de dieu", sipe "d'automne", cukcep "poisson d'automne", sake (Kouriles) (ibid.), on ne trouve aucun élément qui nous conduise à urup, ouroup.

   Le nom de l'île Urup ne vient pas du poisson. Plutôt c'est le mot urup «truite», si le mot était réellement de l'usage commun, qui vient du nom de l'île aux abords poissonneux. Si le toponyme Urup n'est ni aïnou, ni japonais, ni même russe (cf. billet 266), de quelle langue sera-t-il ?

   Nous avons déjà vu dans nos billets que le peuple Aïnou était une des ethnies venues le plus tôt dans l'archipel et une des plus importantes. Conjointement avec les Aïnou ou postérieurement, il devait y avoir plusieurs autres dont les Toungouses. Ces derniers, d'abord en nombre moindre que les Aïnou dans l'archipel, continuaient d'occuper depuis plus de 6000 BP le nord-est du continent, du nord de la Chine jusqu'en Sibérie, à l'ouest, jusqu'en terre Mongole. C'était une des ethnies les plus anciennes en Asie du nord-est.

   Contrairement aux Aïnou dont l'immigration du continent dans l'archipel aurait été faite en une seule fois et d'une façon décisive, car on ne sait plus de quelle partie du continent ils étaient originaires, les Toungouses arrivaient en plusieurs petites vagues et en temps différents par deux entrées principales: le nord (Hokkaidô) et le sud (Kyûshû par la péninsule coréenne). Une rencontre des Toungouses (Mishihase) avec les Aïnou qui s'est passée au VIIe siècle A. D., sans échange de parole, montre que les deux groupes ne parlaient pas la même langue (cf. billet 245).

    L'arrivée la plus massive de l'ethnie toungouse déclenchant l'âge de Yayoi aurait été située, selon Jared Diamond (1937-), vers 400 ans B. C. («Japanese Roots», Discover Magazine, juin 1998, article en ligne:http://discovermagazine.com/1998/jun/japaneseroots1455/). On aimerait faire reculer cette date davantage mais l'important est ceci:

    Le coréen [langue toungouse, N.D.A] qui atteignit le Japon en 400 B. C., et qui évolua en japonais moderne, était, je soupçonne, entièrement différent du coréen du royaume de Silla qui évolua en coréen moderne (ibid.)

   Le coréen qui aurait contribué à former le japonais aurait presque entièrement disparu. C'est là qu'on pourrait situer l'origine du mot urup?  (À suivre)

 

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Commentaires
K
(commentaire sans accents, avec mes excuses) Vos recherches etymologiques, exposees dans ce blog, sont tres interessantes, meme si je ne suis point specialiste. Je me rends compte que ce genre de recherche touche forcement l'histoire tres lointaine. <br /> <br /> <br /> <br /> Puisque j'habite en ce moment sur l'Ile d'Ainou, je suis bien sensible a ce sujet. <br /> <br /> Vous savez deja, ans doute, qu'il existe un centre de recherche d'Ainou a l'Universite de Hokkaido, mais je me permets de vous envoyer ce lien :<br /> <br /> <br /> <br /> http://www.cais.hokudai.ac.jp/result/
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