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Philologie d'Orient et d'Occident
25 février 2014

Le Tôhoku (40) - Repenser Urup et Iturup

Philologie d'Orient et d'Occident (268)

                                        Le 25/02/2014,      Tokyo    K.

Repenser Urup et Iturup: l'expansion de la zone aïnou et ses reflux (2)

Le nord-est contre l'empire (24)      Le Tôhoku (40)

(À l'occasion de son anniversaire, à Ky. K., je dédie ce modeste numéro de blog)

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Couple de balaous par Misao Wada

   Le nom de l'île la plus grande des Kouriles: Итуруп en russe, Iturup en anglais, Itouroup en français, Etorofu en japonais, Etoropo en dialecte aïnou de Saru (selon le dictionnaire de Mme Tamura), peut-il avoir un lien étymologique avec celui de l'île Urup (Уруп en russe, Urup en anglais, Ouroup en français, Uruppu en japonais) située, à proximité, à 36 km au nord-est de la grande île? La distance qui sépare les deux îles du nord est à peu près celle qui s'évalue entre l'île Sado (cf. billet 263) et l'archipel, c'est-à-dire., un petit voyage pour les anciens Aïnou, nomades et habitués à de longs parcours.

   De l'étymologie de l'île Ouroup, on n'a rien pu trouver de fiable que le sens douteux «truite rouge» (cf. billet 266) adopté, depuis l'époque Meiji, par les savants japonais sûrs de cette étymologie et peu enclins à en imaginer d'autres. La mer environnante regorge de ce poisson.

   Qu'il existe un parallélisme et une communauté d'idée entre les deux morphologies Iturup et Urup me semble patent. Une preuve de corrélation génétique est pourtant difficile à trouver, car l'aïnou a été longtemps une langue sans écriture, ce qui fait que les toponymes de la région manquent nécessairement de documents.

    L'idée est communément admise qu'une langue sans écriture, comme l'aïnou, peut se conserver telle qu'elle était autrefois. L'important lexique du dialecte aïnou du Dr Hattori (1964), compilé au moment où la langue s'éteignait, nous permet certes de nous figurer ce qu'étaient anciennement certains mots aïnou et leur corrélation interne. Mais, sur ce qu'était it-urup, ce dictionnaire ne peut nous renseigner, sinon par une précision, pas même par une petite idée.

   On présume (cf. billets 266 et 267) que l'énigme étymologique du nom Urup(pu) reste toujours intacte, sans solution, le nom Uruppu qui signifierait «truite rouge» n'ayant pas de rapport avec le poisson de ce nom qui pullule dans la mer.

   En janvier 1919, la 8e année de l'ère impériale Taishô, a été publiée une importante monographie, conjointement avec sa version en français: Études Archéologiques et Ethnologiques. Les Aïnou des Îles Kouriles. (Torii Ryûzô, Journal of the College of Science, vol. 42, Art. 1, Tokyo 1919. La version en français est de 338 p. avec 84 p. d'appendice d'images et de photos prises par l'auteur. La version en japonais contient 550 p., planches et photos incluses).

   Le traducteur en français du travail du Pr. Torii se nomme T. R. P. Ernest Auguste Tulpin (1853-1933), envoyé de la Société des Missions Étrangères de Paris. Il se révèle donc avoir été prédécesseur, à peu d'intervalle, en fonction apostolique en Extrême-Orient, du R. P. Paul Anouilh qui séjourna au Japon tout au cours de la guerre du Pacifique (cf. billet 117).

   L'année suivante (1920), le Pr Torii se vit décerner, par ce travail, les palmes académiques de France. En 1921, l'homme de science qui n'avait bénéficié d'aucun enseignement public ni secondaire ni même primaire (cf. billet 265), était Docteur d'État ès Lettres.

   Dans l'ouvrage en français ci-dessus, il y a un petit passage où l'auteur énumère les principales herbes potagères dont se servaient les Aïnou des Kouriles pour préparer leurs soupe ou leur compote. Il en nomme une trentaine dont la neuvième s'appelle Etouroup: herbe des vallées, délicieuse dans la soupe (op. cit., p. 220), sans aucune allusion si l'herbe Etouroup était une spécialité de l'île Itouroup ou non. Mais qui ne s'en aviserait pas? Son expression tout à fait banale et neutre ne donne aucune prise à l'idée.

   La petite notice nous porte cependant à croire que l'analyse de Iturup en it-urup serait peut-être à repenser et que de sa conséquence logique découlerait l'improbabilité de lien de l'élément -urup avec le nom de l'ile Urup. Elle nous fait également penser que le nom d'un produit (autour) de l'île, tels que le poisson ou l'herbe comestible, pourrait se transformer en un qualificatif du lieu. (À suivre)

 

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