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Philologie d'Orient et d'Occident
4 février 2014

Le Tôhoku (37) - L'étymologie des îles Kouriles

Philologie d'Orient et d'Occident (265)
                                      Le 04/02/2014,     Tokyo    K.

L'étymologie des îles Kouriles: Urup et Iturup

Le nord-est contre l'empire (21)      Le Tôhoku (37)

001088

                                                    Fretins aïnou (Hatahata) par Misao Wada

   Les îles Kouriles, présentées nommément dans le Petit Atlas du monde (The Concise Atlas of the World, Londres, Times books limited, 1986, p.51), qui s'étendent entre l'extrémité nord-est de Hokkaïdô et le cap sud de la presqu'île du Kamtchatka sont au nombre de sept: Paramushir, Onekotan, Shiashkotan, Simushir, Urup, Iturup et Kunashir. On peut les répartir en trois groupes en fonction de quelques suffixes toponymiques: -mu(-mo)shir, -kotan et -urup (?). Para-mushir peut donc être associé avec Si-mushir et éventuellement avec Kuna-shir, tronqué du préfixe mu-. Le dictionnaire aïnou (dialecte Saru) de Mme Tamura (cf. billet 192) analyse mosir en mo- (élément signifiant: petit, immobile, calme) et sir (pays, montagne, île).

   Le mot -mu(-mo)shir peut être décomposé en mu-(mo-) et sir. La structure de mo-sir ressemble à celle de to-sir (marais, étang/terre, également selon le Mme Tamura), racine qu'on a supposée pour Itoshiro, curieux toponyme dans le centre-nord de l'archipel nippon (près de Takayama, dépt. Gifu, cf. billets 208-213). Le mot tosir, toujours d'après Mme Tamura voulait dire vallée ou rive encaissée. Mosir (musir), sinon tosir (tusir veut dire tombe) comme élément constituant du toponyme Itoshiro, semble être authentiquement de l'aïnou.

   Torii Ryûzô (1870-1953), homme de science extraordinaire, né dans le sud-ouest du pays, à Shikoku, parvint au poste de professeur de la section d'archéologie de l'université impériale de Tokyo sans avoir reçu d'enseignement secondaire (il n'a même pas fait l'école primaire). De ses nombreuses études archéologiques, la plus importante porte sur les îles Kouriles, intitulée en français: «Études Archéologiques et Ethnologiques. Les Aïnou des Îles Kouriles» (1919, Faculté des Sciences de l'Université impériale de Tokyo. Bulletin 42, vol. 1, reprise dans Torii Ryûzô (Œuvres complètes vol. 7, 1976, Asahi-Shimbun-sha).

   À propos de l'île Paramushir (transcrit en Paramoshiri), Torii Ryûzô rejette la transcription Paramoshiri comme une erreur (op. cit. vol. 7, p. 341). Il avait fait auparavant une petite notice: les aborigènes (plutôt que indigènes ou autochtones, les îles étant loin d'être colonisées - N.D.A) disent Poro-moshiri «île Grande» (ibid. p. 30). Le mot poro signifie, en aïnou standard (éventuellement, dialecte Saru), «grand, grandir» (poro-wakka: grandes eaux, inondation; poro-cise [tsise]: grande maison). Une autre notice pour Onekotan: one «vieux, ancien», kotan, c'est-à-dire, «ancienne île» (ibid. p. 31).

   Selon le dictionnaire Tamura, les deux mots mosir et kotan peuvent avoir la même signification «île». Cela donne à Shi-kotan et Si-mushir sensiblement le même sens. Kotan, cependant, est un espace humain, c'est-à-dire, un lieu composé d'habitats, voire, un village, alors que mosir serait un espace conçu du point de vue physique sans se soucier qu'il soit habité ou non. Onekotan serait donc plutôt vieux village que vieille île.

  Torii Ryûzô ne donne rien de précis, au point de vue étymologique, ni pour Shiash(-kotan) (transcrit Shiashikotan, ibid. p. 31) ni pour Si(mushir) (transcrit simplement Moshiri, ibid. p. 342), ni pour Kuna(shir). Si(mushir) peut être un simple mot explétif signifiant vaguement «grand». Pour kuna(shir), Yoshida Tôgo (cf. billet 264) donne dans son grand dictionnaire toponymique du Japon (cf. billet 260) une interprétation fournie par le commis voyageur Matsuura Takeshirô, auteur du baptême de l'île, d'après laquelle, kuna viendrait de kina «herbe» (op. cit. vol 8, p. 360). Ce qui n'a rien d'édifiant, puisque c'est une étymologie qui semble inventée après coup.

   Restent deux noms aux consonances peu aïnou: Urup et Iturup dont l'étymologie pourrait se ramener à une seule: urup. «Le premier produit (de l'île Urup) est la loutre de mer, (...) ensuite phoques, saumons, truites et urup. On donna à ce dernier un nom (japonais): beni-masu "truite rouge". Le nom de l'île est né de l'abondance de urup dans ses parages» (Torii Ryûzö, ibid. p. 15). Chiri Masiho affirme que urup est la truite rouge en aïnou (cf. billet 264).

   N'est-ce pas plutôt le nom de poisson qui viendrait du nom de l'île? La province qui se dit Champagne et la ville, Cognac, sont-elles ainsi appelées parce qu'on y produit du vin de champagne ou de cognac? L'énigme étymologique de Urup demeure entière.   (À suivre)

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