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Philologie d'Orient et d'Occident
21 janvier 2014

Le Tôhoku (35) - Une image archaïque de la zone aïnou -

 Philologie d'Orient et d'Occident (263)
                                      Le 21/01/2014,     Tokyo    K.

Une image de l'aire aïnou au début de l'empire

                           Le nord-est contre l'empire (19)      Le Tôhoku (35)

CIMG4392

Image de la zone aïnou au début de l'empire japonais

   Je viens de présenter (cf. billet 262) ma petite idée que le mot Ezo pouvait venir de l'aïnou enciu [entsiu], «(terre des) hommes aïnou», par deux itinéraires possibles: endj(i)u (avec d épenthétique) > e(n)zu et e(n)ts(i)u > ezu. Or, Edo 江戸, ancien nom de Tokyo, aurait pu être phonétiquement de la même provenance que Ezo, bien qu'à ma connaissance, personne n'en ait jusqu'à maintenant avancé l'hypothèse.

    La difficulté de rapprochement entre les deux mots Edo et Ezo n'est pas phonétique mais sémantique. Si le mot Ezo est de la même origine que Emici et Ebisu, Edo, par contre, en est loin. Qu'il ait été dès le début un nom de lieu et non pas un nom ethnique, cela me paraît évident, sans même reprendre les exégèses interminables consacrées au toponyme Edo par Yoshida Tôgo (Grand dictionnaire toponymique du Japon 8 vols. Tokyo Fuzambô, 1970, vol 6, édition augmentée, p. 254-259, cf. billet 257)

   Mi-to 水戸 (préfecture d'Ibaraki), Sugi-to 杉戸 (dépt. Saïtama), Matsu-do 松戸 (dépt. Chiba), Nobori-to 登戸 (dépt. Kanagawa), plusieurs autres noms de lieu autour de Edo, sont liés étymologiquement par le même suffixe -to (-do) «lieu» représenté par kanji , et souvent par  et «porte». C'est un des suffixes toponymiques les plus réussis, repérables un peu partout dans l'archipel. Je citerai seulement deux noms, loin de Tokyo: [pays de] Naga-to (anciennement Ana-to, dépt. Yamaguchi), Seto (nombreux exemples dans l'archipel, «lieu étroit») et [détroit de] Naru-to 鳴門 «porte sonnante» (Shikoku), connu pour ses courants marins tourbillonnants.

   Après tous ses confrères toponymiques, forts du lien suffixal -to, -do (la sourde -t- permute avec la sonore -d-), l'hypothèse aïnou selon laquelle Edo proviendrait de etu aïnou «nez, promontoire» ou Mito 水戸 de l'aïnou moy-to «marais calme» ferait piètre figure. Je suppose comme bien d'autres que le mot Edo, sans avoir rien à voir avec la terminologie aïnou où -to ou -do pouvait signifier «marais, lac», est formé de [iri-]e [入]江 «crique, anse, chenal, conche» + -do «lieu». Beaucoup de noms de lieu terminés par -to, -do dans le Kantô, dans le centre et à l'ouest de l'archipel semblent être formés d'éléments japonais, non aïnou.

    D'autre part, l'étymologie de Sado (île Sado, sur la Mer du Japon au large de Niïgata), n'est pas bien éclaircie, ce qui revient à dire que la formation du nom Sado n'avait pas eu affaire avec le suffixe -do (-to), élément commun à Edo, Mito et à bien d'autres. Beaucoup pensent que Noto (presqu'île au sud-ouest de l'île Sado) est originaire de l'aïnou nottu (écriture selon Tamura Suzuko, cf. billet 176) «promontoire», ce qui éloigne également le toponyme Noto du composant suffixal japonais -to (-do).

   Sur le littoral du Hokuriku de la mer du Japon, sont parsemés d'autres toponymes d'origine éventuellement aïnou, de toute manière étrangère au japonais du centre.

   Uppurui-bana 十六島鼻 «nez aux seize îlots» est le nom d'un promontoire qui s'avance sur la Mer du Japon, situé à l'ouest de Matsue (préfecture du dépt. Shimane). Lavé d'eau de mer et de vent du nord-est, le site est connu depuis des temps immémoriaux pour une algue fine qu'on y ramasse, très appréciée.

   À marée basse se découvrent seize rochers couverts d'algue? Le nombre 16 se compose de (shi 4 × shi 4), shi-shi bana «nez camard», allusion donc au cap en forme d'un gros nez retroussé ou d'un shi-shi «lion» accroupi? Le cap aurait eu rapport avec 16 bonnes divinités (Dictionnaire Yoshida Tôgo op. cit. vol 3, p 377)? L'hypothèse aïnou: up «pins» + ruy «beaucoup» (http://www.dai3gen.net/upruy.htm): peu fiable.

   La raison pour laquelle on a utilisé pour représenter Uppurui les kanji signifiant seize îles n'est toujours pas claire. L'ancien verbe furu «faire trembler, frotter (de l'algue)» comme origine de Uppurui est invraisemblable. Je pense plutôt à la métathèse de Urup (Uruppu > Uppurui), une des îles Kouriles à deux mille km au nord-est de Matsue, prononcé Uruppu. Les deux sites, si distants l'un de l'autre, n'auraient-ils pas été dans la même sphère aïnou ? (À suivre)

 

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