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Philologie d'Orient et d'Occident
14 janvier 2014

Le Tôhoku (34) L'étymologie des trois synonymes: Emici, Ebisu et Ezo

 

Philologie d'Orient et d'Occident (262)
                                Le 14/01/2014,     Tokyo    K.

L'étymologie des trois synonymes Emici, Ebisu et Ezo

                          Le nord-est contre l'empire (18)      Le Tôhoku (34)

001055

Camélia par Misao Wada

   Longtemps, la terre de Hokkaïdô, «voie de la mer du nord», nom proposé par l'explorateur Matsuura au gouvernement Meiji, fut appelée, avec celle de Tôhoku, «nord-est», du nom de Ezo 蝦夷.

   Le mot Ezo 蝦夷 est composé de deux kanji dont l'un , ebi en japonais, signifie «crustacés décapodes: grande écrevisse, langoustine entre autres», l'autre , yi en chinois, ebisu en japonais, «barbares de l'est, tout spécialement». Les deux kanji 蝦夷 étaient employés depuis au moins le Nihon-shoki, l'un des plus anciens documents en japonais avec le Man'yô-shû, recueil poétique, tous deux écrits en caractères chinois, intelligibles en japonais, datés du début du VIIIe siècle. La lecture japonaise était d'abord, Emici [emisi] ou Ebisu, plus tard Ezo, ce dernier à partir de l'époque Heian.

   Ni la raison de l'usage de ces trois appellations ni leur origine ne sont bien éclaircies. Ce signe chinois 蝦夷 voulait dire non pas la terre, mais les hommes du nord-est, comme unité ethnique, parlant une autre langue que le japonais du centre. Les Emici jugés conciliant avec l'empire, mentionnés dès les premiers contacts entre des Japonais du centre et des hommes du nord, étaient appelés niki-Emici «Emici mûrs», ceux qui semblaient intransigeants ou hostiles, ara-Emici «Emici farouches».

   Aucune des étymologies de ces trois noms: Emici, Ebisu et Ezo n'est assurée. Dans Ainu-minzoku to Nihon-jin «L'ethnie aïnou et les Japonais» de Kikuchi Isao (Tokyo, Asahi-shimbun-sha, 1994), l'auteur a fait un petit résumé (p. 25-31) des hypothèses sur le problème onomastique, sans pourtant le trancher.

   Ces trois appellations (en fait, en deux divisions: émici, ebisu : ezo) étaient d'origine identique et voici comment.

   L'aïnologue Kindaïchi Kyôsuke (1881-1971) émit une hypothèse dans laquelle il faisait provenir Ezo d'un ancien nom pronominal [entsiu] "homme (aïnou)" que le dictionnaire de dialecte aïnou de Hattori Shirô (Tokyo, Iwanami-shoten, 1964. cf. billet 205) produisait en enciw "personne, homme (aïnou)" dans l'aïnou de Sakhaline. Il s'agit d'un seul exemple dans le dictionnaire. Partout ailleurs, aynu ou aino.

   Le mot est présenté comme enchiu [entsiu] dans le dictionnaire aïnou-anglais (Tokyo, Iwanami-shoten, 1938, 4e édition) du Dr. John Batchelor (1854-1944), selon lequel le vieux mot est «utilisé seulement dans des prières et la récitation de contes».

   Soit enciw ou enchiu (la langue aïnou était privée d'écriture), le mot est composé de [e + une nasale + ts(dj) + un yod]. La nasale peut être notée soit par -n-, soit par -m-. Emciu deviendrait, par anticipation de la voyelle -i-, Emici(u); -ci- [tsi] palatal se radoucit en -[si-] chuintant, ce qui donnerait [emisi].

   Ebisu serait d'une autre formation. En grec, en latin ou en français, la nasale devant -r-, peut produire soit -mb- ou -nd-: ν(ή)ρ > νδρό-; num(e)ru- > nombre; cam(e)ra > chambre; cin(e)re- > cendre; ven(i)rai > viendrai; Enn(a)ra > Indre (nom de rivière). En chinois, -m- peut permuter avec -b-, par l'intermédiaire -mb- (cf. billet 8): mon «lettres» / bun; ma «cheval» / ba; mai «prune» / bai. L'aïnou n'aurait-il pas partagé ce trait continental? Emciu [em]+ [si] (radouci de tsi) + [u] aurait pu donner Ebisu, par l'intermédiare Emb(+ i anticipé)s(i)u.

  Ezo n'apparaît qu'à partir du Xe siècle. Le mot semble donc de formation tardive par rapport aux deux autres anciennes: Emici et Ebisu. Que le mot Ezo soit également issu du plus ancien Emici. Voici comment: la nasale m ou n, si elle ne s'affiche pas avec son consonantisme comme on vient de voir dans le cas [emisi] ou [ebisu], elle se dénasalise comme on le voit dans Na(n)gasaki > Nagasaki, ou elle se sonorise comme nin (homme, personne) > jin, par procès phonétique en chinois: n- nd- > dj- / j (cf. billet 8).

   Enciu peut donc avoir phonétiquement une double chance de se transformer en Ezo: d'abord par sonorisation de la nasale n (> nd- > dz > z), ou, par amuïssement de la nasale n et sonorisation de c- (> ts- > dj > z).  (À suivre)

 

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