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Philologie d'Orient et d'Occident
31 décembre 2013

Le Tôhoku (32) Exista-t-il une chrétienté dans le nord du Tôhoku?

Philologie d'Orient et d'Occident (260)
                                      Le 31/12/2013,     Tokyo    K.

Exista-t-il une chrétienté à l'époque Édo dans le nord du Tôhoku?

Le nord-est contre l'empire (16)      Le Tôhoku (32)

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Trois fioles de parfum par Misao Wada

   Le Journal Kazuno (cf. billet 259) se compose de notes laissées par Matsuura Takeshirô (1818-1888), commis voyageur du Bakufu au XIXe siècle. Il retournait à la capitale Édo de son énième voyage à Ezo, immense terre du nord qu'il rebaptisa, une fois intégré dans le gouvernement Meiji, du nom de Hokkaidô «voie de la mer du nord». Ce haut poste lui permettait de dénommer quelques acquisitions territoriales du nord. La sonorité du nom de Hokkaidô lui aurait plu de sorte qu'il finit, sur le tard, par se donner comme nom de guerre: Hokkaidô-jin «homme de Hokkaidô». Démis de sa fonction d'État, il était devenu peintre d'estampes.

   Dans son journal de voyage de la route du nord, il ne rapporta aucune rencontre avec des Chrétiens qui pouvaient être cachés dans les montagnes ou mêlés aux indigènes de la région. Où ont-ils finis? Leur existence, sinon dans le canton de Kazuno au moins dans les provinces de Dewa ou de Tsugaru, était signalée dans un récit d'un père catholique, anonyme, du début du XVIIe siècle, qui, «s'étant rendu aux confins nord du pays: Dewa (Akita) et Tsugaru (Aomori), a vu les Chrétiens qui y étaient bannis pour la Foi» (d'après Père Trigault, cf. billet 255). Peut-on se fier au Père Nicolas Trigault (1577-1628), toujours résidant en dehors de l'archipel qu'il n'avait jamais atteint, et qui transmit dans son ouvrage ce récit approximatif qui confinait à un simple ouï-dire?

   Kema-nai (cf. billet 254), dont le suffixe nai dénote l'appartenance évidente à la toponymie aïnou, est un gros bourg situé au centre du canton de Kazuno. Il se constitua longtemps en un lieu de litige entre deux familles seigneuriales: Nambu et Akita. En 1639, autour de Kema-nai, on se livra à une importante opération de délogement des Chrétiens supposés domiciliés dans les environs.

   En automne de la seizième année du règne impérial Kan-ei (en 1639), le Prince Tai-yû (3e Shôgun Tokugawa Iémitsu 1604-1651) émit un édit, de par tout le pays, pour débusquer les Chrétiens ayant domicile dans les montagnes et forêts. (Yoshida Tôgo, Dai-Nihon Timei-Jisho Grand dictionnaire toponymique du Japon, Tokyo, Fuzambô, vol 7, première édition 1906. p. 977 dans l'édition augmentée en 1970).

   Les démarches suivies par les deux gouverneurs des pays concernés par cet édit: Akita et Nambu, dont les familles étaient originaires ailleurs que du nord, prouvent qu'ils n'avaient pas d'idées claires de ce qu'était la religion chrétienne, appelée dans le centre du pays «Yaso-shûmon», Yaso étant Iesu (Jésus). Tous deux, antipathiques l'un à l'autre, ont profité de cette occasion pour s'immiscer mutuellement dans la politique territoriale de leur adversaire, sous prétexte d'éradiquer «les fidèles à Yaso-shûmon» qui devaient exister par principe en dehors du propre territoire de chacun, donc dans le domaine de l'autre. L'un des deux antagonistes porta nécessairement plainte à l'autorité centrale d'Édo qui, comme le troisième larron, saisit l'occasion pour affaiblir les grands féodaux du nord.

    L'opération édictée par le troisième Shôgun Iémitsu pour la traque des Chrétiens, fondée sur des raisons mal comprises pour les seigneurs du nord, finit en queue de poisson. Comment pouvait-elle réussir dans le nord où on ne pouvait distinguer les indigènes (c'est-à-dire, aïnou) vivant de chasse, de pêche ou des fruits forestiers tels que noix, champignons, miel, fougères comestibles, des adhérents au christianisme, religion dont on ne saisissait qu'à peine la nature?  

    Des bannis du centre pour la Foi dont parlait un Trigault, il y en aurait certes eu mais peu. Sans guides, incapables de former une cohésion communautaire, ni de préserver leurs habitudes précaires qu'ils venaient de contracter, ils devaient être vite assimilés aux autochtones. Les chasseurs-montagnards du canton de Kazuno ressemblaient au peuple de Hokkaidô «belliqueux, d'assez bon esprit, qui n'a ni Idoles, ni Bonzes, ni cérémonies, ni sectes aucunes qui le divisent, tellement qu'il y a espérance que la semence de l'Évangile, y étant jetée, y fera grand fruit.» (cf. billet 255)  (À suivre).

 

 

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