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Philologie d'Orient et d'Occident
24 décembre 2013

Le Tôhoku (31) Deux voyageurs venant du nord

Philologie d'Orient et d'Occident (259)
                                    Le 24/12/2013,     Tokyo    K.

Deux voyageurs venant du nord (Suite au billet 254)

Le nord-est contre l'empire (15)      Le Tôhoku (3I)

001130

Asperges par Misao Wada

 

   Tetsuo, de cinq ans plus âgé que moi, est l'aîné de mes deux grands frères. De 1954 à 1958, il était à Hirosaki, ancienne capitale du pays de Tsugaru, comme étudiant à la faculté d'agriculture. Lorsqu'il était en seconde année de la faculté, le manque d'argent l'obligea, lui qui voulait rentrer chez lui lors des vacances, à faire le trajet à pied par la route de la montagne, en quittant sa ville universitaire pour sa petite ville natale située à la frontière nord du canton de Kazuno (cf. billet 258). L'ancienne route de Tsugaru relie toujours, par la ville intermédiaire Kosaka (cf. billet 133), Hirosaki à Morioka, préfecture du département d'Iwaté (pays de Nambu).

   La distance qui sépare les deux villes n'est pas énorme: 40 km à vol d'oiseau, un peu plus de 50 km par la vieille route de Tsugaru. Le département d'Aomori est agrémenté par trois grandes villes de caractères différents: Aomori, portuaire et commerciale (cf. billet 258), qui s'ouvre sur la mer du nord, Hachino-he, grand port de pêche sur la côte du Pacifique, et Hirosaki, ville intérieure. Cette dernière, universitaire et riche en traditions anciennes, est la plus artistique et culturelle des trois. Deux de ses nombreuses écoles auraient été fréquentées par mon grand-père et ma mère, l'une publique l'autre privée. Habitant à la frontière nord du département d'Akita, nous, on avait plus de facilité d'accès avec le département d'Aomori.

   Mon frère Tetsuo mit deux jours pour faire le trajet de 50 km du nord au sud, de Hirosaki à Kosaka. Sitôt chez lui, il égayait sa famille en singeant son professeur de français de la faculté. Un film français «Crin Blanc» m'ayant habitué, quand j'étais écolier, au paysage de Camargue, il m'a insufflé une fois de plus, collégien que j'étais, de l'amour pour le français. Ainsi, l'accent français et l'image de France me venaient du nord de l'archipel ainsi que du sud de la France. Mon grand frère devint ingénieur agronome, spécialiste de pomologie, lecteur assidu d'une revue en français consacrée aux maladies de pommes.  

   Quand on veut s'introduire, par le nord, dans le bassin de Kazuno, on peut y accéder par une autre route qui passe par le sud-ouest du lac Towada (cf. billets 240, 242). Il s'agit d'une route plus longue mais moins dangereuse et plus ensoleillée que l'autre, ténébreuse, qu'a prise mon frère en 1955. Matsuura Takeshirô (cf. billet 254) était passée par cette route au début de l'automne 1849 au retour d'un des ses voyages à Hokkaidô.

   Notre commis voyageur de l'État était grand amateur d'alpinisme. Après avoir joué à escalader le mont Towada (1054 m.), il entra, par l'est, dans le pays des fougères (Kazuno <kuzu-no. cf. billet 218), pointillé de petites taches d'agglomérations mi-aïnou.

    Son Journal Kazuno, constitué de nombreuses notes sur la région, décrit comment à mesure que Matsuura et ses deux compagnons montaient vers le nord, c'est-à-dire, vers le domaine de mon grand-père maternel, autant paysages et habitats différaient de ceux des villages qu'on venait de passer.

    Yotsuya: Que des maisons de paysans. Dans ces parages, les mœurs sont tout autres. Frustes sans être vulgaires. Bien. (Citation prise au Kosaka-chô-shi: Histoire de la commune de Kosaka, 1975, mairie de Kosaka, Akita, p. 126)

    Fujiwara: De vieux arbres dressés haut des deux rives de la rivière [...], énormes, constituent une immense futaie sombre que pénètrent difficilement les rayons du soleil. L'ambiance dégage une mélancolie indescriptible. (ibid. p. 127)

   Et comme on s'avance vers le fin fond du nord du canton, se multiplient les hameaux aux noms à consonance aïnou que l'auteur transcrit tant bien que mal:

   Wosaru-betu;  Furuto-bé;  Nito-bé.   (ibid. p127)

   Mes lecteurs se rappelleront que la syllabe qui termine ces trois noms de lieux n'est autre que le suffixe toponymique aïnou bet (ou pet) «vallée» qui est, avec le -nai «même signification», le plus fréquemment employé, transcrit en japonais: -be, -betu. Matsuura et son groupe se trouvaient donc en pleine zone aïnou. (À suivre)

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