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Philologie d'Orient et d'Occident
10 décembre 2013

Le Tôhoku (29) Un ouvrage géopolitique

 

Philologie d'Orient et d'Occident (257)
                                    Le 10/12/2013,     Tokyo    K-D.  

Un ouvrage d'érudition géopolitique dont avait grand besoin la société de l'époque Meiji

Le nord-est contre l'empire (13)      Le Tôhoku (29)

001031

Trois menoko par Misao Wada

 

   La vallée de Kazuno (pour son étymologie, cf. billet 218) s'étend du bord sud du lac Towada jusqu'aux confins nord de la hauteur dite Hachiman-tai. En 1849 en automne, au moment où notre commis voyageur Matsuura Takeshirô (1818-1888, cf. billet 251) est passé dans cette région dont la faune et la flore, aux temps préhistoriques comme aujourd'hui, diffèrent sensiblement de celles du centre-ouest, les habitants étaient depuis belle lurette japonisés, aussi bien par les mœurs que par la langue. Leurs ancêtres ne laissaient, comme traces de leur existence dans ce coin du nord, qu'un grand nombre de noms de lieux uniquement compréhensibles en langue aïnou.

   Des restes d'outils (hachettes, couteaux, flèches, hameçons, etc.) et diverses poteries trouvées à ciel ouvert ou lors de fouillées dans les environs de la vallée de Kazuno font état que le pays avait été suffisamment peuplé depuis plus de sept mille ans BP. On peut supposer que les anciens habitants et leurs mœurs, assez différents de ceux du centre-ouest, s'assimilaient plutôt aux indigènes de Hokkaidô: les Aïnou, qui sont à présent reconnus comme un des groupes des premiers habitants du Japon.

   Traversé par deux rivières qui confluent avec le Yoneshiro-gawa, le bassin Kazuno a la forme d'un gros ballon ovale long de 40 km du nord au sud et de 2 à 8 km de large d'est en ouest, selon Yoshida Tôgo (1864-1918): Grand Dictionnaire toponymique du Japon,7e volume consacré au Tôhoku, p. 971 (Dai-nihon timei-jisho 1906, Tokyo, Fuzambô, augmenté en 1970).

   Cet ouvrage immense en 8 volumes a été publié en 10 ans, le premier volume en 1900, le dernier en 1909. Les préfaces consacrées à ce travail sont du nombre d'une trentaine, y comprise celle de l'auteur lui-même, chercheur autodidacte et non universitaire. Toutes passées par les autorités de l'époque Meiji: lexicographes, géographes, historiens, philosophes, pédagogues et deux ministres, elles sont mises dans le premier volume de généralités et d'index. Ce volume était publié en 1907. Le second volume avec lequel commençait la vraie description géo-historique datait déjà de 1900. La tomaison n'était donc pas chronologique, ni ordonnée en fonction de l'avancement du travail. Elle se rapportait à la classification thématique du contenu.

   Alors, le 8e volume, le dernier, publié en 1909 après la publication du volume avec les préfaces, sur quel sujet porte-t-il ? Les préfaciers avaient-ils pu avoir accès aux brouillons qui devaient constituer le dernier volume? D'après la préface donnée au 8e volume, l'auteur n'aurait commencé son travail du dernier volume qu'en avril 1908. Shiga Shigetaka (1863-1927), grand initiateur de la géopolitique nipponne et qui livra à Yoshida l'analyse la plus concrète et détaillée en 20 pages, ne fait aucune remarque sur la teneur du dernier volume.

   L'ouvrage de ce genre est habituellement mis en volume, par l'ordre d'importance des sujets traités. Lorsqu'il s'agit de géographie de l'archipel, on commence d'abord par le centre (Nara, Kyoto etc.) puis on passe au périphérique. Le Tôhoku, ce grand tard venu à l'empire, était traité dans l'avant-dernier volume (7) paru en 1906, juste avant le premier volume qui contenait les préfaces rédigées en 1907.

    Le dernier volume se rapportait en effet aux derniers-rattachés à l'empire: Hokkai-dô, Sakhaline, Ryûkyû et Taiwan. Ces quatre «pays» étaient donc sentis comme les «acquisitions territoriales récentes» de l'empire. De ces quatre pays, seuls deux font encore partie du Japon: Ryûkyû et Hokkaidô.

   L'ère Meiji (1868-1912) était une époque où l'archipel nippon, comme de grands pays européens, voulait s'agrandir aux dépens des autres pays. Il n'est pas étonnant que Yoshida Tôgo et ses nombreux préfaciers fussent sur la même ligne idéologique. Ce gros pavé de Yoshida Tôgo, ainsi que la carte du Japon représentée, avec ses mers environnantes, dans l'ouvrage de Charlevoix (cf. billet 256), peut apporter une nouvelle vision sur les vieux litiges territoriaux qui mettent aujourd'hui aux prises les trois pays de l'Asie orientale: Chine, Corée et Japon. (À suivre).

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