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Philologie d'Orient et d'Occident
19 novembre 2013

Le Tôhoku (26) Le nord-est contre l'empire (10)

Philologie d'Orient et d'Occident (254)
                                    Le 19/11/2013,     Tokyo    K.

Mamiya Rinzô et Matsuura Takeshirô, deux commis voyageurs de l'État

Le nord-est contre l'empire (10)      Le Tôhoku (26)

001049

                                             Encornet du nord par Misao Wada

 

    «L'été chaud, l'hiver froid» est une devise pour dire une particularité climatique du Japon. Cette année (2013), l'été a été particulièrement chaud. Et voilà déjà, au début du mois de novembre, la neige qui a commencé à tomber à l'extrémité nord de l'archipel, à 700 km de Tokyo. La météo prévoit pour cette année un hiver froid et neigeux. De grandes bêtes ou de petits animaux des montagnes du nord ont-ils pu s'offrir le luxe de bien se nourrir avant d'hiverner?

   Le seul voyage en 1800 dans le Hokkaidô, alors appelé Matsumae, effectué par le géographe Inô Tadataka (1745-1818, cf. billet 252) a été relayé, dans une perspective plus vaste et étendue vers le nord, par un de ses disciples: Mamiya Rinzô (1775-1844). Né à Hitachi, pays voisin de celui de son maître arpenteur, Mamiya était un commis voyageur du Bakufu, envoyé tout spécialement aux confins nord de l'empire.

   Il a commencé d'abord par être un bon arpenteur, ensuite géographe, enfin, agent de renseignements, à la faveur d'une subite prise de conscience de la part du Bakufu de la menace qui viendrait du nord du continent asiatique, prêchée avec ferveur par des intellectuels de la capitale, tels Kudô Heisuke ou Hayashi Shihei (cf. billet 252). La paix relative intérieure tout au long du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle avait permis aux dirigeants du pays d'entreprendre audacieusement de telles politiques d'informations à l'étranger.

   Le Hokkaidô ne présentait plus d'obstacle pour l'entreprise de tels voyages. Dernier sursaut de l'opposition aïnou contre les exactions japonaises, le soulèvement dit de Shakshain (1669), du nom d'un cacique aïnou, avait été affaibli par un conflit intérieur, dont les Wajin (=Japonais) avaient profité honteusement à leur avantage pour mettre les indigènes du nord sous leur domination. L'empire progressait de l'est vers le nord.  

   Le mérite de la découverte d'un grand détroit séparant Sakhaline du continent d'Asie a été attribué à Mamiya. Du coup, on a su que Sakhaline qu'on croyait une péninsule était en fait une longue île. Grâce à lui, le Bakufu a pu s'informer de ce qu'était l'extrémité nord de l'empire et de ce qui se passait au-delà.

   Le rapport entre Mamiya et son successeur, Matsuura (1818-1888, billet 252), n'est pas clair, d'abord du fait que ce dernier, avec la différence d'âge (43 ans) ainsi que d'origine (Matsuura samouraï de Matsuzaka, Mamiya paysan de Hitachi), ne vivait pas conjointement avec le premier, et que Matsuura n'était pas toujours sous les ordres du Bakufu. Moins aventurier, plus détaché de politique que Mamiya, Matsuura était plutôt homme de science, pareil à son grand compatriote Motoori Norinaga (cf. billet 251), sensible aux particularités ethniques, linguistiques des hommes du nord, aux mœurs et à la toponymie des pays des aïnou.

   Au retour d'un énième voyage dans le Hokkaidô (le nom Hokkai-dô «Chemin de la mer du nord» a été créé à l'instar d'autres anciens «-dô» chemins tels que Tôkai-dô, Tôzan-dô, Hokuriku-dô etc., par le haut fonctionnaire qu'il était au début de l'époque Meiji), il est passé, au début de l'automne 1849, accompagné de quelques hommes, dans mon pays natal, Kosaka (cf. billet 229), venant de la direction de l'actuelle Towada-Minami «Sud du lac Towada», ville avoisinant la mienne au sud.

   Towada-Minami s'appelait autrefois Kema-nai, nom aïnou, signifiant selon l'aïnologue anglais Batchelor (cf. billet 195), «rivière de pieds, vallée (en forme) de pied ?», car kema signifie en aïnou «pied, jambe», nai «vallée». Yamanaka Jôta qui a présenté cette hypothèse dans son Timei gogen jiten «Dictionnaire toponymique» (1968, Tokyo, Azekura Shobô) soutient lui-même dans le même endroit qu'il s'agit plutôt de [ki «jonc, pâturin» + ma «marais, étang»]. Les deux hypothèses ne me convainquent guère, sauf qu'il s'agit d'un toponyme bien aïnou, car nai- «vallée, rivière» est, au même titre que -be(t), un des suffixes toponymiques les plus utilisés en aïnou. Matsuura Takeshirô venait passer quelques jours dans cet ancien pays aïnou. Et qu'allait-il découvrir ?  (À suivre)

 

 

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