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Philologie d'Orient et d'Occident
11 juin 2013

Le Tôhoku (4) Un canton sur la frontière

 

Philologie d'Orient et d'Occident (231)

                                         Le 11/06/2013, Tokyo     K.

Un canton sur la frontière de trois départements

                                                           Le Tôhoku (4)                      

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Étoiles de mer par Misao Wada

   Le canton Kazuno (cf. billets 215, 218), vallée boisée et pittoresque, se tenait sur la frontière de trois terres: Tsugaru, Nambu, Akita. Ce petit coin du nord, avec le gros bourg Kosaka (cf. billets 133, 229) qui allait bientôt se transformer en une grande ville minière (pour l'extraction du cuivre), était situé au point sensible, stratégique, de l'industrie lourde du pays (cf. billet 229) et de la politique régionale du nouveau gouvernement de Meiji.

   La maison ancestrale K. de l'auteur du présent article, fournit au fief Nambu les kuni-zakai-konin 国境古人 «anciens gardes frontaliers» qui surveillaient le passage entre les deux han (pays): Tsugaru et Nambu, anciennes terres des Aïnou.

   Le canton Kazuno qui comptait, à la fin de l'ère d'Édo, soixante-neuf petits villages dans la vallée du même nom, peu profonde, de 40 km de long du nord au sud et de 3 km (au maximum) de large, appartenait à la terre de Nambu (Iwate). À la suite du réaménagement territorial à l'échelle nationale réalisé au début de l'ère de Meiji et, par conséquent, de la création des départements en lieu et place d'anciennes terres féodales, Kazuno, dont faisait partie le village Kosaka, passa de Nambu auquel il appartenait auparavant au département d'Akita (ancienne seigneurie Satake).

   La transition du canton, d'Iwate dans l'aire d'Akita, s'effectua non sans quelques heurts. En 1869, tout au début de l'ère de Meiji, Kazuno fut incorporé d'abord au Tsugaru, ancienne seigneurie de l'extrémité nord de l'île Honshû, dont les habitants ne s'entendaient pas bien avec les gens du canton, habitués au parler et aux mœurs de Nambu (Iwate). Cette difficulté à s'entendre, réciproque et relative, aurait eu pour origine non pas la différence ethnique ou des mœurs mais celle des idiomes qui différaient considérablement l'un de l'autre.

   Dans ce pays du Tôhoku, on pratiquait et pratique encore une langue ancienne et commune, très différente de celles du centre et de l'ouest. Tous les hommes du Tôhoku, du nord au sud, la comprenaient et la parlaient, selon l'accent du lieu habité, dans une de ses variantes. Il peut parfois arriver que la communication soit mal entretenue. Avec le parler de Tsugaru, surtout, qui a pour chef-lieu Hirosaki en son centre, un homme d'Akita ou d'Iwate aura autant de difficulté qu'un Languedocien avec un Gascon.

   La situation des anciens idiomes du Tôhoku ressemble curieusement à celle des dialectes jadis pratiqués en Occitanie. Les hommes d'Iwate comprenaient le parler des hommes d'Akita, ces derniers le parler de Yamagata, comme le provençal se comprend en Auvergne, l'auvergnat en Limousin. Mais le parler de Tsugaru est particulier comme l'est le gascon de toute l'Occitanie (cf. billets 108, 111, 112).

   La mère de l'auteur du présent article, après avoir terminé ses études secondaires au nord d'Akita, fut envoyée faire ses supérieures à Hirosaki, parce que son père y avait fait ses primaires. Elle était très forte en deux idiomes: tsugaru et akita. Ce n'était sans doute pas le cas de son mari. L'auteur de cet article en a la conviction, car les brouilles survenues entre elle et son mari, originaire de Nambu, étaient souvent nées de ces malentendus. Ils s'embrouillaient en paroles.

   L'administration du nouveau gouverneur, originaire de l'extrémité nord du Honshû, Tsugaru, appelé plus tard le département d'Aomori, donna lieu à des protestations des habitants du canton. Ce qui permit au Kazuno de se détacher de la circonscription administrative de Tsugaru pour se réintégrer non pas dans son ancienne terre de souveraineté, Nambu, mais dans la terre de l'ouest, voisine dès l'âge Jômon: le département d'Akita, dont le canton Kazuno devait constituer une pièce rapportée.

   Ces circonstances modernes concernant la souveraineté territoriale de Kazuno ballotée entre les trois départements ne sont pourtant que de petits détails, par rapport aux conséquences de la gigantesque éruption, en 915 (ère Heian) du lac Towada, situé au nord du canton. (À suivre).

 

 

 

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