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Philologie d'Orient et d'Occident
15 janvier 2013

L'étymologie de Itoshiro (5)

 

Philologie d'Orient et d'Occident (212)

                                                       Le 15/01/2013, Tokyo  K.

L'étymologie de Itoshiro, nom de lieu (5)

«morgue à la belle étoile» ou «vallée encaissée»

 

poireaux_wada
Poireaux d'hiver de Takayama, par Misao Wada

 

   Quels sont alors les éléments qui peuvent correspondre à -toshiro, racine supposée du toponyme Itoshiro (cf. billet 211) ? Il est impossible qu'il n'y eût qu'une seule langue aïnou, préexistante à la langue qui commençait à s'ébaucher aux environs des 3 000 ans BP et s'acheminer, tout en s'ordonnant, vers la domination de l'archipel. Il doit y en avoir eu plusieurs autres qui ont disparu en ne laissant que des bribes dans des mots à l'origine mal connue. L'étymologie des mots japonais est loin d'avoir été entièrement explorée.

   Toutes réserves faites sur les langues anciennes qui auraient pu bel et bien exister dans l'archipel, il n'y a, pour le moment, que dans le domaine aïnou que l'on puisse battre les buissons à la recherche de correspondants lexicaux à -toshiro.

   Dans ma transcription, -shi- représentant [ʃi] (si palatal) traduit la prononciation moderne japonaise. Elle ne signifie ni spécialisation en [ʃi] palatal ni rejet de [si] non palatal à l'ancienne ou à la dialectale (cf. billet 165). Le -toshiro pouvait donc avoir été -tosiro. Les deux langues, japonais et aïnou, étaient indifférentes à la distinction phonologique entre [ʃi] et [si]. Le dictionnaire d'aïnou Hattori (1964) distingue, suivant les dialectes, entre  [ʃi] et [si] en deux graphies shiki et siki «l'œil de ...». Le dictionnaire d'aïnou de Mme Tamura (dialecte Saru 1996) ne fait pas en revanche distinction graphique et emploie l'unique graphie -si- à la fois pour [ʃi] et [si].

   Mots aïnou pourvus des trois consonnes: t-, s(h)-, r  de -toshiro ? Les deux dictionnaires Hattori et Tamura offrent tasiro «coutelas». Phonétiquement, tasiro peut être à l'origine de -tos(h)iro dans le pays où shira 白«blanc» pouvait permuter avec shiro: 白川 shira(kawa) ∾ 白鳥 shiro(tori), deux noms de lieu du pays, alors que le sens «coutelas, couteau» ne convient pas à la racine d'un toponyme, à moins qu'il n'y eût quelque légende merveilleuse qui puisse rendre compte de la présence de l'outil à ce lieu.

   Le dictionnaire Hattori présente le mot tusir «tombe», le Tamura, túsir (même sens). Ce n'est pas mal, car le village Itoshiro, juché sur le flanc sud d'une masse de montagne, pouvait avoir été un lieu de dépôt (plutôt que d'enterrement) des corps humains que les anciens choisissaient dans le prolongement du Hakusan, Mont Sacré. Le lieu était plus élevé que leur habitat. On abandonnait les corps que réduisaient rapidement à néant vents, pluies et oiseaux. Tusir aïnou n'étant cependant pas «cimetière» mais «tombe», cette étymologie n'inspire pas vraiment confiance.

   Seul, le dictionnaire Tamura nous propose le mot tósir «rives concaves d'une vallée rondement encaissée, comme le bas d'un précipice». L'ensemble d'Itoshiro est en forme de bassin ovale, situé sur le flanc sud à l'altitude de 700 m du Hakusan. Un important cours d'eau du même nom que le village, Itoshiro-gawa, divise l'espace en plusieurs quartiers. La rivière, grossie de la fonte de neige, peut être sauvage au printemps tardif.

   Il est bien possible que le nom du village Itoshiro fût issu de l'appellation en aïnou de la vallée profondément encaissée, dont le sens convenait parfaitement au paysage qui n'avait guère changé depuis l'aube du temps.

   Dans son dictionnaire, Madame Tamura s'interroge sur la possibilité d'analyser le terme tósir en to «marais, étang» et sir «lande, montagne». En aïnou, un mot à plus de deux syllabes pouvait être composé d'autant (ou plus) de monosyllabes, car la consonne finale -r pouvait avoir résulté d'une apocope. Dans le dictionnaire Tamura figurent sir et siri «lande, environs, place» comme deux mots distincts sans que leur lien réciproque ne s'explique. Est-ce que sir était à l'origine de siri ? Ou siri était à l'origine de sir ? Ou bien est-ce qu'il n'y aurait aucun lien entre eux?

   Dans le même dictionnaire, on voit qu'à l'origine du nom d'une grande ville de Hokkaido, 釧路 Kusiro, il y aurait le nom de rivière aïnou: Kusur («abreuvoir» ? < ku «boire» + sir «lieu» ?). Le japonais ne souffrant pas la consonne finale, on a Kusiro, (I)tosiro.  (Pause pour Itoshiro).

 

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