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Philologie d'Orient et d'Occident
4 décembre 2012

Ce qui suivit la polémique sur la parenté de l'aïnou

Philologie d'Orient et d'Occident (206)

Le 04/12/2012, Tokyo     K.

Ce qui suivit la polémique sur la parenté de l'aïnou

souffle_wada                           Lotus fanés dans le vent, par Misao Wada

 

   Le Dictionnaire du dialecte aïnou par Hattori Shirô (cf. billet 205) a été salué par Kirsten Refsing dans ces termes: La discussion sur la filiation génétique entre aïnou et indo-européen s'arrêta juste vers le moment où il eût été possible de la conduire sur la base d'une bonne et solide recherche linguistique dans l'aïnou contemporain. À cet égard, le Dictionnaire du dialecte (Hattori 1964) fut un repère. Hattori, avec un groupe d'étudiants, recueillit des mots de huit dialectes dans Hokkaido [en fait, dix dont deux: Sakhaline et Kouriles en dehors du territoire, cf. billet 205] et en composa un dictionnaire avec équivalents japonais et anglais et d'excellents index alphabétiques, ce qui permit d'examiner les mots avec plus d'aisance (et avec moins d'anxiété pour leur exactitude) que ce qui est fourni par les travaux de Batchelor et de Piłsudski.

     (The Ainu Library, Tokyo, Synapse, 1998, coll. 2 Origins of the Ainu Language, vol.1, Introduction, p. 46. Traduit de l'anglais en français par K. auteur du billet).

   Il y a certes dans le dictionnaire Hattori quelques imperfections: nombre réduit d'informateurs et quasi-absence des deux grandes régions aïnou: Sakhaline et Kouriles, ce qui ne l'a pas empêché de se révéler un excellent outil de travail pour la recherche historique.

   On sait qu'en dialectologie, la différence chronologique est traduite en géographie. Le temps est converti en espace. Chaque morphologie reflète un processus du temps. Dans le billet 87, j'ai montré, dans une perspective locale, que dans la vallée de l'Indre, l'article indéfini une se prononçait non pas [yn] mais [œn]. Une terre en friche y est prononcé [œn tεr ã friç] (Atlas linguistique et ethnographique de l'Ouest, CNRS, 1971, vol 1, carte 164). La prononciation archaïque [œn], évidemment antérieure à [yn] moderne, y était conservée. Dans la zone romane, l'origine de chaque langue peut donc être imaginée de la même façon, c'est-à-dire, à travers les avatars dialectaux du latin. 

   Ainsi, l'origine du mot neko «chat» aïnou ne peut être recherchée par la méthode interne de Naert (ni de Tailleur) mais par la confrontation de diverses formes dialectales de l'animal (cf. billet 200). La conclusion du chat (meko aïnou) pourrait donc être celle qui ne permet de le tirer ni de mik, ni de mek, mots aïnou, mais d'en situer l'origine en dehors de Hokkaido, c'est-à-dire, dans Honshû, île principale de l'archipel. 

   L'ouverture dialectale engagée par le dictionnaire Hattori fit, pour ainsi dire, éclater la question de la parenté linguistique de l'aïnou, limitée jusque-là aux deux langues: l'aïnou et l'indoeuropéen qui, de naissance, diffèrent grandement l'un de l'autre, l'un probablement antérieur à l'unité originelle de l'autre. Une perspective plus vaste et eurasiatique était donc de nécessité logique.

   C'est toujours Tailleur qui, volontiers enclin à ergoter sur des vétilles en même temps qu'à y parfois perdre pied (cf. billets 199, 200), se réservait le droit d'avoir le dernier mot dans la polémique contre Naert et ses adeptes. Il avait une vision paléo-eurasiatique de la question. Dans un petit passage d'un compte rendu d'un article de Naert sur des emprunts germaniques en basque (1963), il se laisse dire: 

[..,] en ce qui concerne l'aïnou, dont la parenté paléo-eurasienne envisagée par moi, et moi seul, il y a quatre ans, ne fait plus de doute à présent, [...] Naert, constatant d'une part l'échec total de la théorie indo-eur. [...], d'autre part l'essor grandissant de l'explication paléo-eurasienne, cherche à reprendre celle-ci à son profit. [...]

   Et que devient dans tout ceci le dravidien, qui rappelle (fortuitement ?).. d'une part l'ouralien, d'autre part le paléo-eur[opéen]. ? (The Ainu Library, op. cit., coll. 2, vol. 5) 

   Pour que l'aïnou, dégagé du faux cadre indo-européen, entrât dans la sphère paléo-eurasiatique, il fallut ces années de polémique, redoutables mais fructueuses.

   Dans le Japon des années 60, l'intérêt pour l'aïnou indoeuropéen était d'autant plus diffus que l'attention du public était focalisée sur l'hypothèse dravidienne du japonais par le professeur Ôno Susumu. (Pause pour l'aïnou).

 

 

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Commentaires
Y
merci pour ces informations
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