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Philologie d'Orient et d'Occident
15 mai 2012

La langue de Jômon, cette inconnue (8), apport coréen

Philologie d'Orient et d'Occident (177)

                                        Le 15/05/2012, Tokyo    K.


                 La langue de Jômon, cette inconnue (8)

                  Le système des numéraux en coréen


     L’aïnou présente un système de numération bien différent du système japonais archaïque dont le principe était fondé sur le binarisme original : fi 1 / fu 2, mi 3 / mu 6, yo 4 / ya 8, (i)tu 5 / to 10. Avant de revenir sur les noms de nombre japonais, je vais m’occuper brièvement d’une autre langue voisine de la nôtre : le coréen.

     Pour les numéraux archaïques en coréen, je me contente d’en donner les dix premiers :

    1 hana, 2 tu(l), 3 se(t), 4 ne(t), 5 tasǒt,

    6 yǒsǒt, 7 ilgop, 8 yǒdǒl, 9 ahop, 10 yǒl.

    Morphologiquement, les noms des cinq chiffres 1, 2, 3, 4 et 10 sont originaux, apparemment sans rapport interne, bien qu’un soupçon de lien subsiste entre se(t) (3) et ne(t) (4). Hana (1) « commencement », toujours utilisé en japonais (!) avec le sens coréen dans une locution populaire hana-kara « dès le début », aurait existé dès le Man’yô-shû (poème 4217), l'un des deux documents les plus anciens du Japon. Dans un dialecte du dépt. Fukushima, hana-mizu « premier passage d'eau après le drainage d'une douve » (Grand dictionnaire de dialectes japonais, Tokyo, Shôgakkan, 1989).

     Trois noms : tasǒt (5), yǒsǒt (6), yǒdǒl (8) peuvent être formés de plus de deux racines dont la nature n’est pas exacte. Mes faibles connaissance en coréen ne me permettent pas de supposer, par exemple, que le signe yǒdǒl (8) puisse être lié avec yǒl (10), yǒdǒl étant considéré comme composé de yǒl (10) et de –d(t)ǒ-, infixe qui pourrait signifier 2. Selon Simon Han, un ami coréen de mon collaborateur Clément Lévy (cf. billet 53), tasǒt (5) signifierait « totalité, main à cinq doigts ».     

    Les deux noms : ilgop (7) et ahop (9), sans rien à voir avec les autres noms, semblent être liés avec un suffixe commun, -op. On se souvient ici qu’en aïnou, -p (après voyelle), -pe (après labiale n) signifiait « chose » (cf. billet 176). Ce qui m’amène à décomposer ces deux noms en ilg-(o)p et ah-(o)p, analyse que les racines des noms de nombre 7 et 9 en coréen peuvent être ilg- et ah-.

     Le système numérique coréen pourrait se rapprocher, d’une part, de l’ancien japonais, puisque les noms de nombre 7 et 9 y étaient dans une position à l’écart des autres numéraux et d’autre part, de l’aïnou puisque le suffixe employé (-p) pouvait être en commun dans les deux langues.

    Dans l’ensemble, la numération coréenne d’un à dix me semble témoigner, avec la terminaison consonantique (sauf hana), de plus d’affinité avec l’aïnou qu’avec le japonais où la terminaison vocalique est toujours de règle, tandis que la position particulière des noms de nombre 7 et 9 rapproche le coréen du japonais.

     Mes petits examens concernent seulement l’état très archaïque des trois langues : japonais, aïnou et coréen, de l’époque où la gande langue chinoise coexistait avec les petites langues de l’Extrême-Orient, car, la numération actuellement prédominante vient, dans ce territoire, presque exclusivement du chinois.

     Toutes mes petites hypothèses, surtout pour le coréen, peuvent pécher, prière qu’un spécialiste en donne l’avis. Pour la numération, je veux consacrer un peu plus de temps à la langue que je connais le mieux de ces trois, le japonais.   

     Je me suis demandé jadis : les consonnes (-p >) f- (> h), m-, y-, t-, analysables à partir de la série : fi 1 / fu 2, mi 3 / mu 6, yo 4 / ya 8 et (i)tu  5 / to 10, pouvaient-elles se constituer en phonèmes indépendants dans une langue où la structure CV (consonne + voyelle) était toujours de règle comme minimum ?  La réponse me semblait négative. Comment des milliers de mots comportant dans leur composition une labiale -m-, par exemple, peuvent-ils être sémantiquement catégorisés par rapport aux autres mots dépourvus de ce phonème ? Le japonais est une langue syllabique. Tout au moins, les consonnes que la phonologie chinoise appelle 声母 shiœng-mbœu, sei-bo en japonais (cf. billet 17), n’ont pas de sens propre, c’est ce qu’on imagine généralement. (À suivre)

 

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