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Philologie d'Orient et d'Occident
10 avril 2012

La langue de Jômon, cette inconnue (3)

Philologie d'Orient et d'Occident (172)
                                      Le 10/04/2012, Tokyo    K.
                  
                 La langue de Jômon, cette inconnue (3)
             Autour des noms de nombre

                                                                                       (i = i palatal,  ı = i non palatal)
                                                      
     La langue japonaise dispose de deux systèmes d'origine différente des noms de nombre : japonais et chinois. Le comptage dans le système japonais :
     fi-to-tsu (1), fu-ta-tsu (2), mi-tsu (3), yo-tsu (4), itu-tsu (5),
     mu-tsu (6), nana-tsu (7), ya-tsu (8), kokono-tsu (9), (10),  
est censé plus archaïque que le système d'origine chinoise :
     ichi (1), ni (2), san (3), shi (4), go (5),
     roku (6), shichi (7), hachi (8), ku (9), (10).

     Cette dernière série de noms numériques vient du chinois archaïque :
     'iet (1), nier / nii (2), sam (3), sied / sii (4), ngag / ngo (5)
     lıok / lıuk (6), ts'iet (7), puăt (8), kıog / kıəu / kiəu (9), dhiəp / ʒıəp (10)
         (Selon le Grand Dictionnaire chinois-japonais, Tôdô, Tokyo, Gakken, 1978)

     La formation des idéogrammes chinois utilisés pour chiffres est soit conceptuelle :
     一 = 1, 二 = 2, 三 = 3, 四 quatre barres parallèles transformées en une bouche exhalant partout de l'air = 4, 七 oblique, divisible inégalement, étant composé de 3 et 4 = 7, 八 divisible à égalité en 4 et 4 = 8 ;


     soit associée aux images des doigts pliés :
     五, image d'un croisement (X entre deux barres dessus dessous). En comptant sur ses doigts, on situe 五 au croisement (= 5) pour atteindre 10, chiffre complet. 九, dernière image des doigts avant de former 十 (10), = 9.
     Le caractère 六 est un idéogramme représentant un trou bouché prononcé lıok / lıuk qui signifiait également le nombre 6. L'étymologie phonologique de lıok ou lıuk n'est pas donnée dans le Grand Dictionnaire Tôdô.

     Les racines du système numérique japonais sont les suivantes :
     fi (1), fu (2), mi (3), yo (4), itu (5), mu (6), nana (7), ya (8), kokono (9), to (10).

     Quel est le principe régissant l'agencement de ces noms de nombre ? On voit d'abord que la voyelle e manque dans ces racines. Cette absence peut témoigner que le système japonais de cette série de noms de nombre est né à une époque antérieure à l'institution des cinq voyelles (cf. billet 166), c'est-à-dire, au moment où le chinois ne s'introduisait qu'à peine dans l'archipel. On peut estimer que ces noms de nombre, propres au système japonais, remontent à des temps très archaïques empiétant sur les années de Jômon.

     Ce qui se remarque ensuite est que, dans le schéma japonais, sont formés quatre couples de nombre binaire à alternance vocalique :  fi (1) / fu (2), mi (3) / mu (6), yo (4) / ya (8) et probablement, (i)tu (5) / to (10).

     Nos anciens savaient donc exploiter la numération binaire qui est au fond de tous les calculs. Les deux mains avec cinq doigts chacune (ça fait dix) devaient être les outils les plus ordinaires de l'opération. Ici, deux chiffres 7 et 9 font difficulté. Nous y reviendrons.

     Qu'est-ce que c'est que ces paires de nombres binaires : fi (1) / fu (2), mi (3) / mu (6), yo (4) / ya (8) et éventuellement, (i)tu (5) / to (10) ? Fi / fu (hi / hu actuels) devaient être prononcés, fin Jômon ou début Yayoï, pi / pu, par l'étape phi / phu. De toute manière, ces noms de nombre n'avaient rien à voir avec 'iet (1) / nii (2), sam (3) / lıok (6) chinois.
     Sans être capable de fournir de preuves, je crois que la structuration dans un système numérique de nombres binaires était associée à l'idée de deux mains avec cinq doigts chacune. Le système, issu de la réalité des deux mains, n'était pas conceptualisé comme c'était le cas dans les premiers trois chiffres chinois : 一 'iet, 二 nii, 三 sam.
 
     Le problème qui se pose dorénavant, dans le parallélisme phonique du système japonais, est de savoir quelle était l'idée commune de chacune des paires représentées par pi / pu, mi / mu, yo / ya ou tu / to.  (À suivre).      

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