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Philologie d'Orient et d'Occident
23 août 2011

L'empereur Tenmu et les hommes de l'est

Philologie d'Orient et d'Occident (139)
                               Le 23/08/2011,  Tokyo      k

Le futur empereur Tenmu eut recours aux hommes de l'est.

Le cheval (13)



     Ohokimi-ha kami-nishi mase-ba akagoma-no haraba-fu ta-wi-wo miyako-to nasitsu « Notre empereur, puisqu'il est dieu vivant, fit sa capitale des rizières où pataugent les chevaux bruns » (4260, Man'yô-shû). Dans le waka suivant (4261), les phrases (akagoma-no haraba-fu ta-wi « rizières où pataugent les chevaux bruns ») sont remplacées par une autre image (mizu-tori-no sudaku mi-numa « marais où foisonnent les oiseaux aquatiques »).

     Sortant victorieux des affrontements les plus sérieux de l'histoire de l'empire, l'empereur Tenmu, tout puissant, s'est fait construire un palais dans une terre boueuse. Il ne s'agit pas de s'interroger, ici, pourquoi il fit construire son palais dans un marais plutôt que sur une élévation ou dans une plaine, mais de remarquer que les environs du nouveau palais Asuka où les chevaux travaillaient la rizière ne semblent pas propices à la production des coursiers.

     Pour avoir les bons chevaux, il faut de la prairie et de la bonne eau. Ces animaux, après avoir gambadé sur une terre ferme, s'abreuvent d'eau. Nos marais ne sont pas du type de la Camargue ou de la Vendée où la terre ferme et sèche est entourée d'eau. Les chevaux de chasse, voire destriers, avaient de quoi s'occuper plutôt que des mares aux canards.

     Le waka 4260 du Man'yô-shû semble faire état de peu de considérations, de la part des gens du palais férus d'intrigues, pour les chevaux, et de la situation misérable dans laquelle se pratiquait l'élevage. Pour se protéger dans le palais de conspirations, les courtisans se contentaient de combattants à pied et n'avaient cure de gros moyens comme la cavalerie.

     Or, au cours de quelques accrochages précédant les batailles décisives entre les deux camps (cf. billet 138), le futur Tenmu savait parfaitement qu'un bataillon de fantassins se trouvait souvent anéanti par un petit groupe de cavaliers venus de l'est. Comment n'était-il pas conscient de l'avantage de la cavalerie ?  Ce n'est pas par un hasard de circonstance qu'il s'est réfugié à cheval à Yoshino (à 80 km à vol d'oiseau dans le sud de la capitale Ôtsu) avant de se diriger vers Mino (à 150 km au nord-est de Yoshino).

     Avant de se rendre de Yoshino à Mino, il avait alerté ses hommes pour y lever une armée sous sa bannière et contrôler, à l'Étape Fuwa, la route qui conduisait à l'est (cf. billet 138, Nihon-Shoki, éd. Iwanami, 1995, vol 5, p. 72).

     Or, où était exactement Azuma « l'est » ? Il y avait à l'époque deux conceptions du terme : l'est et l'Est. L'Est englobait tous les pays de l'est depuis Mino, Owari et, en passant par Kantô, Mutsu, il finissait au Hokkaidô, pays des Aïnous. L'impératrice Kôgyoku-Saimei, mère des deux empereurs Tenji et Tenmu, y envoya jadis les flottilles. La Route Tôkaidô qui devait mener au nord-est par voie de terre (Kyôto-Nagoya-Kantô) n'existait pas encore. La Route Tôzandô seule desservait ces régions infestées d'insoumis. L'expédition (Abé-no Hirafu, pour commandant en chef) se fit donc par voie maritime, côtoyant la mer du Japon.

     An moment de la campagne en 672, il s'agit de « l'est » avec la minuscule.  C'est d'abord Mino (au sud du dépt. actuel Gifu), Owari (dépt. Aïchi, dont le chef-lieu est Nagoya), Iga et Isé (dépt. Mié). S'y ajoutent les pays de Shinano (dépt. Nagano), de Kafi (dépt. Yamanashi), de Kéno (dépt. Gumma), ce dernier à plus de 300 km de Mino.  Plusieurs escadrons de cavaliers accoururent des pays de Shinano et de Kafi pour s'allier au futur Tenmu.

     Le pays de Mino avait un autre atout militaire : la sidérurgie. L'art de travailler le fer pour fabriquer des armes, tout particulièrement des sabres, avait été introduit très tôt dans ce pays par des forgerons continentaux. La charmante ville de Séki au pays de Mino est toujours connue pour ses tatara « forges ». Les chevaux et la sidérurgie, c'était le véritable nerf de la guerre. (À suivre).
    

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