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Philologie d'Orient et d'Occident
15 juin 2011

Le navire et les chevaux (4) : Les Annales (8)

Philologie d'Orient et d'Occident (130)
                                      Le 15/06/2011, Tokyo       k.


        Le navire et les chevaux (4)
       Les Annales des trois règnes (8)



     La volonté de voir grandir la puissance impériale était évidente dans les examens, fréquents et ritualisés, des chevaux arrivés à l'écurie du palais, auxquels se livrait l'empereur (cf. billet 127). Ces animaux originairement amenés du continent provenaient, alors dans l'archipel, de plusieurs provinces du nord-est, pays propices à l'élevage des chevaux. 
    
     On ne mangeait, à l'époque, ni de bœuf ni de cheval. Ces quadrupèdes étaient uniquement utilisés comme moyens de locomotion, de transport ou de culture. L'élevage hippique aurait été sans doute pratiqué au sud-ouest du pays, dans l'île de Kyûshu. Sur les pentes du mont Aso, dans le nord de Kyûshû, on élevait des chevaux, et surtout, des bœufs. Dans les Annales des trois règnes, les chevaux venaient à l'écurie impériale toujours du nord-est, jamais de Kyûshû.

    Au sud-ouest du pays, dont le centre est occupé par la grande surface des eaux de la Mer Intérieure (Séto-Naïkaï), le moyen de locomotion était plutôt le navire. Les groupes humains les plus puissants n'étaient pas là composés des terriens mais des écumeurs de mer. Fujiwara-no Sumitomo (893?-941), chef d'une bande armée formée d'un millier de navires de la Mer Intérieure et instigateur d'une importante insurrection contre l'empereur, était un ancien aristocrate (du clan Fujiwara, le plus puissant de l'époque Héian 794-1192) converti en corsaire.

    Presque au même moment que la révolte de ce gentilhomme pirate de la mer de l'ouest, régnait, au nord-est de Kantô, un seigneur du pays de Shimofusa (dépts. actuels de Chiba et Ibaraki) qui lança, en se déclarant nouvel empereur, un défi au gouverneur légitime de l'empire sous lequel il avait jadis servi au palais de Kyôto. 
     Taira-no Masakado (?-940), descendant de la cinquième génération de l'empereur Kanmu (737-806), était issu du célèbre clan de Taira. Relégué au fin fond d'une province du nord-est, pays réputé d'élevage hippique, il avait à sa disposition les escadrons d'une excellente cavalerie dont la puissance inégalée lui donnait de l'audace.

    Ces deux révoltes maritime et terrestre furent réprimées, l'une, par les amiraux versés en bataille en mer, et l'autre, par les généraux, bons dompteurs de chevaux. Les guerriers japonais ne connaissaient pas de chars comparables aux chars syriens ou homériques. Ils combattaient au javelot et à l'arc, à cheval. Dans cette sorte de bataille, il fallait se faire ami du vent. L'histoire dit que Taira-no Masakado se fit percer au front par une flèche qui venait de la direction du vent qui avait tourné. Il se postait sous le vent.

      En japonais, il y a deux termes pour indiquer le cheval : uma 馬 et koma 駒. Les deux mots sont utilisés, plus fréquemment pour uma que koma, dans le Man'yô-shû. J'ai écrit dans deux billets précédents que (u)ma, ba 馬 est d'origine chinoise (billets 8 et 128). Pour koma, plusieurs dictionnaires d'ancien japonais disent que le mot était de fusion de ko-uma « petit cheval, poulain ». En effet, la particule ko- « petit », employée comme hypocoristique, ferait bien l'affaire.

     Dans le parler du nord-est, il arrive que le diminutif ko- ne soit pas préposé mais postposé : ko-uma se dit, donc, uma-ko. Ko-neko « chaton », neko-ko « petit chat ». Ici, le suffixe -ko dans neko-ko est plus hypocoristique que diminutif. On peut même ajouter -ko au ko « petit », ainsi, kokko « petit petit ».

    Pour l'origine de koma, je pense plutôt à une tout autre étymologie : ku-ma 駒馬 , deux éléments chinois signifiant tous les deux « cheval ». Le chinois 駒, actuellement [ju], se prononçait anciennement [ku]. Le mot koma japonais ne signifiait pas spécialement « petit cheval, poulain » mais plutôt « bon cheval ». Aka-goma (= Aka-koma) (cf. billet 129) était un « bon cheval brun ». On ne trouve aucun exemple de ko-uma dans le Man'yô-shû.   (À suivre)
 

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