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Philologie d'Orient et d'Occident
9 mars 2011

Gerhard Rohlfs et le gascon (5)

Philologie d'Orient et d'Occident (112)
                                         Le 09/03/2011, Tokyo      K.


Gerhard Rohlfs et le gascon    

  Le gascon moderne (5)


      Dans le billet précédent, on a vu que le gascon était, néanmoins, une langue occitane ayant plus d'affinités avec l'espagnol et le catalan, deux langues limitrophes, qu'avec le français. Le latin y était cité, évidemment en grand nombre, en qualité de langue mère. Le gaulois est mal connu. Le germanique, malgré la présence prolongée des Wisigoths dans l'Occitanie du haut Moyen-Âge, est peu présent dans les Pyrénées.
     Je me permets de reproduire ici un échantillon de la méthode de comparaison Rohlfs. Les mots repris dans l'index lexical sont mis en gras, les mots abandonnés en italique.


    64)    béarn. artìco, gasc. artigo "terre défrichée" [...] . Pour le Limousin [...] les formes artigo, artijo "terre défrichée" et les dérivés [...], pour le Quercy artigàu, "plaine entre deux cours d'eau". [...] Le mot a dû s'étendre autrefois jusqu'au-delà de Marseille. Il est beaucoup plus vivant dans l'Espagne du Nord : arag. artiga, artica, catal. artiga "terre récemment défrichée" ; [...]. De la même racine est formé le verbe gasc. echartigà, arag. ixartigar, xarticar "défricher un terrain". Quant à l'origine de ce verbe H[ugo] Schuchardt [1842-1927] a voulu y voir simplement un parent du français essarter < *exsartare, c'est-à-dire un *exsarticare dont on aurait seulement dans une époque postérieure le substantif artica [lat.]. Cette hypothèse est certainement très suggestive, mais j'avoue, qu'elle ne me convainc pas. [...]. En effet nous avons en basque arteaga "bois de chênes verts", dérivé au moyen du suffixe -aga du basque arte "chêne vert". [...] Le passage du sens "bois de chênes verts" au sens "terre défrichée" s'explique, quand on se rappelle que, dans les terres incultes ("garriques") du midi de la France et de l'Esapagne du Nord, les chênes verts abondent, ou plus souvent encore une variété de chêne vert, le chêne kermès (...), [...], appelé en Languedoc garric. Nous constatons donc entre artiga et le basque arte "chêne vert" le même rapport qui existe entre garric et garriga "terre inculte". (Le Gascon, études de philologie pyrénéenne, Tübingen, Max Niemeyer, 1970, p. 51-52) :


     En citant ce passage du livre de Rohlfs je souhaite rendre compte de la difficulté d'éclaircir les liens étymologiques qui pouvaient avoir existé entre le basque et les autres langues environnantes, et en même temps, comprendre la manière un peu hasardeuse dont il a établi son index lexical. Les mots qui doivent être repris dans l'index ne l'y sont pas.


     Pourtant, la dialectologie occitane est une des sciences les plus passionnantes. Je me rappelle avoir participé, en 1986 à Poitiers, au séminaire de langues occitanes de M. Pierre Bec (1921- ), philologue mondialement connu, dont le nom figure parmi ceux des coopérateurs remerciés dans le livre de Gerhard Rohlfs. Il a su nous expliquer un mot occitan comme par un tour de prestidigitation. Il s'agissait d'un mot surgi dans un texte moderne (qui n'était pas gascon) : estafin. On s'est demandé ce que c'était. On voyait qu'il s'agissait d'un aliment. Mais, quoi, quel aliment ? Aucun dictionnare occitan ne pouvait nous porter secours. Le professeur nous a dit alors que c'était une déformation occitane d'un mot anglais : stock fish "poisson séché endurci". Nous sommes tombés des nues, mais heureux, car on voyait que la loi phonétique occitane y avait bien travaillé. La vérité nous rend heureux.


     Le propos de Rohlfs n'est pas de distinguer entre les langues occitanes : gascon, languedocien, provençal, auvergnat, limousin et franco-provençal, mais de différencier au niveau supérieur le gascon des autres langues étrangères. Ce qui est remarquable, dans l'index lexical, c'est la position du basque, langue non-indo-européenne (cf. billet 108).


     Les fractions de pourcentage arrondies, dans l'index lexical de Rohlfs, au chiffre entier supérieur (au-dessus de 0.5) ou inférieur (au-dessous de 0.4), on obtient, pour la part commune vaguement possible d'une langue avec le gascon, les pourcentages suivants :


français          9
catalan         41
espagnol       84
portugais      11
italien            7
latin             55
basque         33
gaulois           3
germanique    2

 

     On peut remarquer qu'entre gascon et deux langues romanes : catalan et surtout espagnol, il y a une grande affinité et qu'entre gascon et basque, un tiers de mots sont perméables les uns aux autres.   (À suivre)

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