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Philologie d'Orient et d'Occident
21 septembre 2010

Le rétrécissement des visions poétiques Nishiwaki

Philologie d'Orient et d'Occident (63)
                                      Le 21/09/2010, Tokyo      K.

                         Le rétrécissement des visions poétiques
                               de Nishiwaki Junzaburô (17)

 
      Nishiwaki Junzaburô a écrit des poèmes en anglais, en français ou en latin.
Le professeur Niikura (cf. billet 51) nous a informé que le poète japonais avait publié en 1925 à Londres un livre poétique en anglais, Spectrum, à compte d'auteur. Avec ce recueil, il aurait suscité une forte curiosité dans le milieu. Il aurait voulu participer en latin à un concours poétique organisé à Oxford. Il gardait toujours le dessein de publier en France ses poèmes écrits en français.

       Cependant sa langue principale pour l'écriture poétique était, après Ambarvalia (1933), le japonais.
     Dans Ambarvalia (titre en latin), pourtant, il y a deux poèmes aux titres latins : Catullus et Ambarvalia. Le poème intitulé La tête de Καλλιμάχος est complété d'un sous-titre en français : Voyage Pittoresque. Le poème Aika 哀歌 aurait été rédigé à l'origine entièrement en latin. On y trouve même une formule grecque : Καλός τεθνάκε μελικτάς, transcrit en caractères latins : Kalos tethnake meliktas « Le beau chanteur est mort ». Il s'agit d'une élégie pour John Keats qu'il adorait, mort en voyage en Italie. Toutes ces notices en langues classiques concernent la première partie d'Ambarvalia : LE MONDE ANCIEN.

    Dans la seconde partie : LE MONDE MODERNE, il y a un sous-titre en anglo-français : Shylockiade, mot créé à partir du nom de Shylock, personnage du Marchand de Venise de Shakespeare, pour une pièce comique traditionnelle (kami-shibai : pièce montée en papier), caricaturant Shylock en pélerinage aux enfers.

     Dans あむばりわりあ amubariwaria, version remaniée (1947) d'Ambarvalia, la notation en alphabet est curieusement élaguée dans l'ensemble : l'élégie en latin en est bannie ; le même sort est réservé au beau poème qui exposait la clarté méditerranéenne : Le Primitivisme d'une coupe (cf. billet 49). Il ne reste qu'en notation alphabétique, les deux rubriques en français : LE MONDE ANCIEN et LE MONDE MODERNE. Le poème au titre en latin Ambarvalia est accompagné d'une glose en japonais qui n'existait pas à l'origine.
     Le recueil Ambarvalia en 1933 faisait sentir un tapis neuf, clair et européen, tandis qu'amubariwaria en 1947 était presque tatamisé. Le professeur Niikura dit ironiquement que la version remaniée sert de livre d'annotations de l'originale.

     Tous ces mots en alphabet avaient, pour les rares personnes qui y furent sensibles, une tonalité claire, occidentale. Après la guerre, la poésie de Nishiwaki, transformée, s'est confinée, introvertie, dans l'ambiance sentimentale du recueil Le Voyageur n'est pas de retour (1947), rétro, qui fit désespérer plus d'un de ses anciens amis.

     Un petit garçon blond, un poisson à la main, qui fonce à côté d'un ange, était l'image que j'aimais le mieux de tous ses poèmes. Or cette vision réapparaît, assombrie et fatiguée, dans un poème intitulé « Sur la ruine de l'humanité » du recueil Le tiers mythe (1956). L'ange garçon ici présent, adolescent et blond certes, semble presque blasé, rabougri, ratatiné. Avec ce travail, Nishiwaki a reçu le grand-prix littéraire du quotidien Yomiuri de l'année 1957.

     un ange adolescent, blond, s'en venait pieds nus,
     un poisson dit ugui (vandoise) à la main,
     en marmonnant quelque chose en hébreu... 
                              (Sur le déclin de l'humanité)

     L'original en 1933 présentait le garçon de la façon suivante :

     à côté d'un ange avec une pomme et un sabre
     fonce un petit blond, avec un ventre écarlate (poisson),
     par-dessus l'œil blanc lacté,
     bien agrippé entre les doigts.
                             (Le Primitivisme d'une coupe)

   Dans le poème Sur le déclin de l'humanité, le garçon, uni avec l'ange, murmure en hébreu « Par ici, on ne trouve pas de marrons. Impardonnable ! On ne peut pas nourrir de canaris ». Le langage qui le décrit est mou, mat, vieillot, n'a plus la force d'amener de l'eau pour faire tourner le moulin poétique Nishiwaki. Quel dépaysement de l'image originale !
     Ses ouvrages ultérieurs et sa comparaison gréco-chinoise surtout peuvent être pris pour autant de tentatives de s'échapper d'un monde de plus en plus clos. 
    (A suivre)

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